Dès le lever du rideau, quand on découvre le surprenant et rigolo décor de Martin Ferland, le programme de la soirée est annoncé: la production de la première pièce d'Oscar Wilde au TNM ne fera pas dans la dentelle ni la finesse. Au contraire, la lecture (grossissante et caricaturale) du metteur en scène Yves Desgagnés soulignera le ridicule d'un monde coincé dans le paraître, l'hypocrisie et l'artifice.

L'importance d'être Constant, créée à Londres il y a plus d'un siècle, dépeint les moeurs de l'Empire britannique victorien à travers une comédie de situation assez classique. Comme chez Molière, il y est question de noblesse et de quiproquos, de promesses de mariage et d'insouciance de la jeunesse.

Pour conquérir leurs bien-aimées, Jack et Algernon (Maxime Denommée et Vincent Fafard) s'inventeront une double vie et un prénom «délicieusement équivoque»: Constant.

Or, bien sûr, leur stratagème s'avérera moins heureux que prévu. Leurs demoiselles (Anne-Élisabeth Bossé et Virginie Ranger-Beauregard) découvriront leur ruse. Au milieu de la pièce, l'imbroglio est à son comble. La rigide et puritaine lady Bracknell (Raymond Bouchard, hilarant dans son accoutrement de vieille dame anglaise) n'a pas dit son dernier mot. Et l'amour non plus.

Une production sans finesse

Or sommes-nous ici dans le théâtre d'Oscar Wilde? Ironiquement, dans la vie de l'auteur, les choses ont commencé à débouler le jour de la première de L'importance d'être Constant, le 14 février 1895, alors que l'oncle de son amant l'a traité publiquement de «sodomite».

«Quel est le plus amer des chagrins, sinon une bénédiction sous un masque», dit un personnage de la pièce. Vous aurez compris que sous l'humour, le sarcasme et la frivolité de l'auteur se cache le drame d'un homme sensible et brillant. Sous leurs airs superficiels, les personnages sont spirituels et solitaires. De grands esprits travestis dans des habits de dandy pour moins souffrir du poids de la morale victorienne.

Hélas, dans la production du TNM, il n'y a pas la finesse, l'intelligence ou le cynisme qu'on trouve dans le texte de Wilde. On nage dans la légèreté, la farce, à coups de mimiques, de grimaces et de courbettes. Les personnages ressemblent plus à des bouffons qu'à des nobles ou des bourgeois anglais. On est davantage chez Arlequin et Colombine que chez Algernon et Gwendoline.

Or, ni les interprètes ni les concepteurs (les costumes de Judy Jonker sont magnifiques) ne sont à blâmer. Hélas, Yves Desgagnés les a dirigés dans une pièce rebaptisée... L'importance d'être inconstant.

Cette production vous fera sans doute sourire, peut-être rire, mais jamais réfléchir. Dommage.

Au Théâtre du Nouveau Monde, jusqu'au 6 décembre. En tournée au Québec en janvier et février 2015.