La jeune compagnie du Théâtre Ébouriffé propose aux enfants une très belle pièce écrite et mise en scène par Marie-Eve Huot, étoile montante du théâtre jeunesse - et du théâtre tout court. Noeuds papillon, qui est présentée à la Maison Théâtre jusqu'à dimanche, est une oeuvre aussi intelligente que touchante, aussi moderne qu'intemporelle.

Le père d'Amélie, 11 ans, est mort il n'y a pas longtemps et depuis ce jour, plus un son ne sort de la bouche de la jeune fille, qui a des «noeuds papillon» plein le ventre. C'est ce qu'elle raconte dès le début de la pièce, d'une manière toute simple, presque légère, alors qu'on voit parfois son père, enfant, en train de faire un exposé oral sur les débuts de l'aviation civile, le tout entrecoupé de scènes dans son atelier, où le père communique à sa fille sa passion pour tout ce qui vole. 

Il y a plusieurs niveaux de narration et de sauts dans le temps dans Noeuds papillon, pourtant, on ne s'y perd jamais grâce à une mise en scène fluide qui prend le temps de respirer et de s'installer. S'ajoute en plus la figure d'Amelia Earhart, première aviatrice à avoir traversé l'Atlantique en avion, sorte d'ange gardien d'Amélie qui la suit pas à pas, muette, mais traduisant ses sentiments en dansant, parfois seule, parfois avec un ou les deux personnages. Une belle audace en termes de théâtre jeunesse, qui donne à la pièce une grande profondeur.

Les personnages circulent dans un décor assez simple, dans les tons chauds du bois: un escalier qu'on peut grimper ou sous lequel on peut se réfugier, un établi dominé par un grand babillard de liège, qui s'illumine pour devenir écran où sont projetés des films d'époque sur l'aviation, un tableau sur lequel le papa enfant écrit à l'envers, comme Léonard de Vinci.

En mêlant habilement transfert de connaissances et fiction, en montrant la connivence amusée et pas toujours parfaite entre un père et sa fille, en faisant papillonner cette Amelia souriante et bienveillante, Marie-Eve Huot a réussi à trouver un ton juste qui respecte l'intelligence des jeunes spectateurs. Par son écriture limpide, elle leur raconte sans apitoiement une belle fable sur le courage et la résilience, qui touchera aussi les parents et probablement surtout les enfants les plus vieux du groupe d'âge visé.

Même si on pourrait lui reprocher d'être un peu bavarde par moments, l'auteure n'a pas peur d'utiliser des mots précis et concrets pour parler d'émotions réelles, sans surabondance de métaphores. Par exemple, la scène où Amélie apprend la mort de son père, aux trois quarts de la pièce, est frontale et remuante, littéralement bouleversante: pas de faux-semblants ici, la mort d'un parent, pour un enfant, c'est comme la fin du monde.

Mais on s'en remet si on trouve quelque chose à quoi s'accrocher, nous dit-elle aussi, et si on ressort de Noeuds papillon ému, c'est sans accablement: il y a dans cette oeuvre portée par trois jeunes comédiens talentueux un superbe hommage à la vie, à la transmission, à l'amour filial et aux rêves qui donnent des ailes et qui permettent de continuer à vivre. Une belle réussite.

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À la Maison Théâtre jusqu'au 19 novembre. Pour les 8 à 12 ans.