Yves Desgagnés ne regrette rien. Son passage en politique l'a éloigné du théâtre pendant trois ans, mais ne l'a pas changé, lui, comme artiste. Cet hiatus - sa dernière mise en scène était L'école des femmes au TNM en 2011 - l'a même renforcé en quelque sorte.

«En politique, raconte le metteur en scène, je me suis retrouvé avec les mêmes questions que je traite au théâtre depuis 40 ans. J'ai adoré découvrir ce monde-là. Le rôle qu'on leur demande de jouer... Les politiciens ont les mêmes préoccupations et angoisses que les acteurs.»

«J'ai maintenant un respect sans nom pour les gens qui se lancent en politique, poursuit-il, peu importe le parti. Ils se lèvent à 5h du matin pour défendre le bien commun et ils se font insulter à longueur de journée. D'un point de vue humain, j'ai pu voir tout le monde politique d'un autre oeil. C'est le pire job au monde.»

Le metteur en scène secoue la tête - «C'est incroyable où la vie peut nous mener» -, tant de choses surviennent en si peu de temps. Ceux qui suivent la politique le savent, deux ans dans ce domaine représentent une éternité.

Tout a commencé par un appel de son agent qui lui proposait de remanier un discours, comme il lui arrivait de le faire pour des patrons d'entreprise à l'occasion.

«Un chauffeur est venu me chercher avec un écouteur dans l'oreille, raconte-t-il. Je me suis dit que c'était un enlèvement universitaire pour une initiation. Il m'a amené dans un sous-sol d'église. Il y avait plein de monde et Pauline Marois qui s'amène. C'était la cliente. Elle préparait les élections de 2012. Ç'a été le début. Je l'ai abordé exactement comme lorsqu'on travaille avec un acteur.»

Pour cette raison, il soutient qu'il n'a pas fait de politique comme telle en l'aidant dans ses relations publiques et médiatiques. Il avoue, par contre, avoir découvert «l'immense» pouvoir des médias qui élisent véritablement les gouvernements, selon lui.

Yves Desgagnés a beaucoup retiré de ce «voyage exceptionnel». Il est retourné à l'écriture, entre autres. Il écrit un scénario de film politique et une pièce de théâtre, en plus de mettre en scène la pièce de Wilde au TNM.

Mais dans le milieu théâtral québécois, tous ne lui ont pas pardonné ce travail de «faiseur d'image» cependant.

«Je vis un purgatoire parce que beaucoup de gens pensent que j'ai quitté le théâtre. J'avais plein de projets qui ont été abandonnés. On m'a dit: «M. Desgagnés, vous êtes maintenant trop coloré.» Heureusement, ma gang de théâtre est fidèle et m'a offert de revenir.»

Pas de regrets, donc, mais le privilège renouvelé de faire ce qu'il aime par-dessus tout.

«Je n'ai jamais été aussi heureux que de faire cette pièce maintenant au TNM. C'est un grand bonheur que de pouvoir faire ce que j'aime, le théâtre.»