Théâtre dans le théâtre, la pièce Opening Night expose la détresse et la solitude d'une actrice de fond. Qui d'autre que la grande Sylvie Drapeau pour l'interpréter?

La rentrée théâtrale est... cinématographique. Tandis que le Centre Segal présente dès demain une adaptation du film culte de Mike Nichols, The Graduate, le Quat'Sous ouvre sa saison mardi prochain avec Opening Night, d'après le long métrage réalisé en 1977 par John Cassavetes, mettant en vedette Gena Rowlands.

Mais attention! Sylvie Drapeau nous prévient qu'elle ne joue pas Gena Rowlands: «J'ai composé le personnage de Myrtle Gordon à partir de moi. Je ne m'inspire pas de Gena Rowlands», dit-elle entrevue à La Presse.

Aux côtés de Sylvie Drapeau, on retrouve Muriel Dutil, Jean Gaudreau, Stéphane Jacques, Agathe Lanctôt, Jade-Mariuka Robitaille, Sasha Samar et Mani Soleymanlou qui jouent tous des personnages évoluant dans les coulisses du monde du théâtre. Le directeur du Quat'Sous, Éric Jean, assure la mise en scène.

L'histoire raconte la quête d'une actrice célèbre, Myrtle Gordon, qui, à la sortie d'une répétition au théâtre, sera témoin de la mort d'une jeune admiratrice. Cette dernière a été renversée par une voiture alors qu'elle regardait son idole sortir du théâtre. Cet incident sera le déclencheur d'une crise existentielle qui va paralyser l'actrice, incapable de répéter son rôle. La comédienne devra lutter contre ses peurs, ses angoisses et, surtout, faire le deuil de sa jeunesse.

«C'est un rôle à la fois beau et monstrueux! dit Sylvie Drapeau. Après l'accident, Myrtle perd ses moyens jusqu'à s'en rendre malade. Elle a des visions et croit que le fantôme de la jeune admiratrice vient la hanter au théâtre.»

Selon elle, le texte de Cassavetes soulève un questionnement fondamental sur le rôle de l'acteur. «Où se situe la frontière entre le personnage et le comédien? Un interprète est-il plus vrai sur scène ou dans la vie? Myrtle lutte pour rester vraie et authentique, fidèle à elle-même.»

La peur de vieillir

Dans Opening Night, Myrtle répète le personnage d'une femme de 55 ans qui fait un cruel constat: à partir d'un certain âge, ton temps est passé. Il est trop tard pour l'amour, pour les grands projets. L'actrice reproche à la pièce de manquer d'espoir. Elle refuse de se voir comme cette femme. Et estime que sa carrière n'est pas derrière elle...

«Vieillir est confrontant pour une actrice de théâtre, affirme-t-elle. Sur scène, une actrice est magnifiée. Même si elle joue quelque chose de monstrueux, son personnage est plus grand que nature.»

«Bien sûr, il y a des rôles que je ne peux plus jouer parce que j'ai 52 ans. Mais sur scène, contrairement au cinéma où la caméra montre chaque ride, on n'a pas d'âge. J'ai interprété Winnie dans Oh les beaux jours! à 28 ans. Toute est une question d'énergie», ajoute l'actrice.

Myrtle Gordon en est à un moment de sa carrière où elle refuse de dire sur scène des choses auxquelles elle n'adhère pas. Sylvie Drapeau, qui vient aussi de commencer à répéter Richard III de Shakespeare (qui sera présenté le printemps prochain au TNM), est, à ce chapitre, en symbiose avec son personnage.

«J'ai déjà refusé des rôles parce qu'un texte était trop pessimiste ou concluait que ça ne valait pas la peine de vivre, illustre-t-elle. Or, ça ne m'empêche pas de jouer dans une tragédie comme Richard III. Cette pièce fait un portrait très sombre de la folie et de la démesure de l'ego. Mais pour moi, la pièce de Shakespeare est très lumineuse!»

Éric Jean a demandé à l'auteure Fanny Britt de traduire et d'adapter Opening Night. Pour Fanny Britt, il ne faut pas voir là l'histoire d'une actrice excentrique qui n'assume pas son âge. «Ça parle plutôt du refus de se faire cantonner dans un rôle. Myrtle lutte pour ne pas céder aux pressions du sexisme, de l'âgisme. Le sujet de la pièce n'est pas tant le vieillissement que le refus d'abdiquer, de se conformer aux pressions de la société.»

Myrtle n'a finalement pas envie de demander au public: quel âge me donnez-vous?

Au Théâtre du Quat'Sous, du 2 au 27 septembre