Après avoir écrit et joué dans En attendant Gaudreault précédé de Ta yeule Kathleen et Les morb(y)des, Sébastien David se frotte à la prose de la jeune auteure ontarienne Charlotte Corbeil-Coleman dans Scratch, qu'il a traduite et qu'il mettra en scène.

Ils se sont croisés il y a huit ans à l'École nationale de théâtre, mais sans jamais se parler. Les deux solitudes, quoi...

Charlotte Corbeil-Coleman étudiait en écriture dramatique dans la section anglaise, tandis que Sébastien David suivait une formation en interprétation dans la section française de l'école de théâtre montréalaise.

Le hasard a fait qu'ils se sont rencontrés au Blyth Festival en Ontario (non loin de Stratford), où Sébastien David a passé l'été 2011. Il y était pour jouer dans la pièce Vimy de Vern Thiessen.

«J'ai rencontré Charlotte, mais aussi d'autres auteurs, des comédiens et des metteurs en scène, raconte Sébastien David. C'est là-bas que j'ai décidé que ma compagnie (La Bataille) devait élargir son mandat pour traduire des oeuvres. Je ne voulais pas qu'on se limite à des créations québécoises.»

Sébastien David avoue avoir eu un coup de coeur pour la personne. «Charlotte est une fille très pétillante, qui a beaucoup d'esprit. J'ai lu sa pièce au pied d'un arbre, cet été-là, et je trouvais que les personnages étaient très québécois... L'action se passe à Toronto, mais je nous reconnaissais très bien là-dedans...»

Comédie dramatique

Scratch commence par cette réplique d'Anna, le personnage central: «Ma mère est en train de mourir... pis j'ai des poux... Fuck

Or, la véritable mère de Charlotte (Carole Corbeil, critique d'art) est morte d'un cancer alors qu'elle était adolescente. Et comme Anna, l'auteure a eu des poux de façon récurrente pendant sept ans. C'est d'ailleurs elle qui a incarné son personnage lors de la création à Toronto, en 2008.

«C'est une pièce qui explore notre relation au deuil, précise Sébastien David. Celui d'Anna, qui a 15 ans, vis-à-vis de sa mère. Mais aussi celui de tous les personnages qui gravitent autour d'eux: le père, la tante, la meilleure amie d'Anna. Un deuil partagé, mais qui se vit seul.»

Les poux d'Anna sont une métaphore de son refus de passer à l'âge adulte et symbolisent les problèmes qui ne partent pas, selon Sébastien David.

D'ailleurs, sa mise en scène minimaliste représentera le «chaos organisé» du monde d'Anna avec des amas de ruban adhésif évoquant à la fois «sa chevelure épaisse, une cellule cancéreuse, l'adolescence et le bordel de la maison des parents qui ne font pas le ménage...»

Le personnage d'Anna sera défendu par Émilie Cormier, qui a incarné Électre dans Les Atrides.

«Elle est dans le déni, détaille le metteur en scène. Elle retarde le moment où elle va voir sa mère à l'hôpital, mais aussi l'émotion qu'elle ressent. À la fin, il y a une véritable émotion qui sort de tout ça; on a accès au personnage. Mais ce qui est intéressant, c'est le chemin qu'elle prend avant d'y arriver.»

Micheline Bernard, Henri Chassé, Robin-Joël Cool, Marie-Ève Milot et Monique Spaziani complètent la distribution.

En écriture

Sitôt Scratch lancée en orbite, Sébastien David se remettra à l'écriture de sa troisième pièce, Dimanche napalm. Une pièce sur la famille, inspirée par la lecture d'un article sur les 40 ans du cliché de la petite Vietnamienne brûlée au napalm.

«Avec En attendant Gaudreault et Les morb(y)des, j'étais dans une zone sociale, mais j'avais le goût de parler de la famille de la classe moyenne, d'où je viens, à Saint-Hubert.»

C'est en jouant avec son frère jumeau dans Ce samedi il pleuvait, d'Annick Lefebvre, et après avoir vu Nom de domaine d'Olivier Choinière qu'il a eu envie de se lancer dans l'arène du récit de famille.

«Je pense que c'est un passage obligé, pour un dramaturge, de parler de la famille. Dans Dimanche napalm, je fais le récit d'une mère de famille qui tombe sur la photo de la jeune fille et qui questionne ce qui lie les membres de sa famille.»

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À La Licorne du 7 avril au 2 mai.

Les morb(y)des lue à la comédie-française

La pièce de Sébastien David Les morb(y)des, créée l'an dernier au Quat'Sous, a été lue l'automne dernier par la troupe de la Comédie-Française à Paris, a confié le jeune auteur et comédien. C'est le conseiller littéraire et théâtral à la Comédie-Française, Laurent Muhleisen - qui gère le Cycle des lectures contemporaines -, qui a proposé la lecture du texte de Sébastien David. «J'étais vraiment nerveux, avoue-t-il. Ce sont des acteurs de la Comédie-Française qui ont fait la lecture de la pièce, avec tous les sacres! J'ai vraiment entendu toute la poésie de mon texte. C'est comme si l'énergie primait et que la langue flottait...» La pièce, qui abordait le thème de la marginalité avec ces deux soeurs obèses vivant recluses dans leur demi-sous-sol, y a remporté le prix coup de coeur du public. «C'était l'une des six pièces sélectionnées pour cette lecture publique et, grâce à ce prix, il est possible qu'elle soit montée», a précisé Sébastien David. Une histoire à suivre.