Le marionnettiste allemand Frank Soehnle s'intéresse à la vie du sculpteur surréaliste Alberto Giacometti. Le Figuren Theatre Tübingen, qu'il a fondé il y a 23 ans, compte déjà trois versions d'Hôtel de rive, qu'il nous présente à compter d'aujourd'hui au Théâtre Outremont. La Presse s'est entretenue avec lui.

Il y a cinq ans, Frank Soehnle est venu au Québec pour la première fois, à l'invitation de la directrice artistique des Casteliers, Louise Lapointe. Il avait alors présenté deux pièces: une pour la famille, Marionnettes de secondes mains, et une pour adultes Salto.lamento, qui abordait le thème de la danse macabre.

Cette fois, le créateur allemand débarque à Montréal avec une dizaine de petites marionnettes qui serviront à recréer l'univers onirique du sculpteur suisse Alberto Giacometti. En se basant sur quatre textes surréalistes écrits par l'artiste à différentes périodes de sa vie.

«Peu de gens le savent, mais Giacometti a écrit beaucoup de textes, nous dit le marionnettiste, qui signe la mise en scène d'Hôtel de rive et fera équipe sur scène avec le comédien français Patrick Michaëlis - qui portera la parole du sculpteur - et deux musiciens suisses qui joueront du trombone et du cor des Alpes.

Le rêve, le Sphinx et la mort de T. a servi de matrice à l'Hôtel de rive, nous dit Frank Soehnle. «Giacometti y expose ses réflexions sur le rêve et la réalité.» Le Sphinx était le nom d'un célèbre bordel parisien que le sculpteur fréquentait. Giacometti y aborde entre autres le thème de la mort.

«Giacometti parle aussi de ce moment où il regarde ses sculptures et où il a l'impression qu'elles sont vivantes, poursuit Frank Soehnle. Pour un marionnettiste, c'est assez intéressant.»

Soehnle s'est inspiré de trois autres textes de Giacometti: Hier, sables mouvants, qui évoque la jeunesse du sculpteur dans les montagnes suisses; le poème Un aveugle avance la main dans la nuit, qui porte sur son cheminement artistique à Paris; et Paris sans fin, qui aborde ses dernières années de vie à Paris.

L'Hôtel de rive

L'Hôtel de rive est un hôtel que Giacometti a habité à Genève, presque reclus pendant trois ans, durant la Seconde Guerre mondiale.

«Durant cette période, ses sculptures étaient toutes très petites, explique Frank Soehnle. En fait, il était convaincu que plus elles étaient petites, plus elles devenaient vraies. Quand il a quitté l'hôtel, on raconte qu'il est reparti avec cinq boîtes d'allumettes dans lesquelles se trouvaient toutes ses sculptures.»

Les 10 marionnettes à fils que Frank Soehnle a fabriquées sont inspirées de ces sculptures miniatures de Giacometti. Pour faire image, elles sortiront toutes d'ailleurs d'une boîte d'allumettes. On retrouvera des personnages filiformes surmontés d'un oeil, une araignée, une fleur. Entre autres.

Les marionnettes que manipulera «à vue» Frank Soehnle représentent les fragments de la pensée de l'artiste. Elles seront captées par des caméras, puis projetées sur un écran. Soehnle dessinera également à la craie sur la scène, tandis que le comédien Patrick Michaëlis incarnera en quelque sorte le personnage de Giacometti.

«Ce sont des polaroïds de sa vie, indique Frank Soehnle, qui donnera également des classes de maître sur la matière et le mouvement durant son séjour à Montréal. Sur sa perception de la réalité. On entre vraiment dans le monde surréaliste et philosophique de cet artiste qui était, sur plusieurs plans, assez fascinant.»

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Au Théâtre Outremont du 6 au 8 mars. Spectacle pour adultes.