Sharon Tate, Roman Polanski, un couple lesbien, un rescapé des témoins de Jéhovah et un enfant de 9 ans à la sexualité ambiguë... Il n'y a que Simon Boulerice pour créer ces courtepointes chaotiques qui font cohabiter des personnages platement quotidiens avec des figures mythiques de la culture populaire.

Dans Pig, Boulerice continue d'explorer le monde «féérique» de l'enfance, avec tout l'imaginaire qu'il charrie, mais surtout sa collision avec la dure réalité de la vie, beaucoup moins rose. La quête identitaire et l'homosexualité sont encore une fois au coeur de ce suspense mis en scène avec justesse par Gaétan Paré.

Phoebe Woodhouse et Claire Richard forment un couple lesbien qui vit avec le garçon biologique de Claire, le jeune Paul, âgé de 9 ans. Mais les deux mamans de Paul sont aux antipodes. Autant la première est rieuse et exubérante, autant la seconde est rigide et, disons-le, préoccupée par l'ambiguïté sexuelle de son fils biologique.

Violette Chauveau et Marie Charlebois forment ici une redoutable paire. Les deux comédiennes nous offrent sans doute les meilleurs échanges de Pig. Évidemment, nous sommes au théâtre, ce qui fait que le garçon du couple lesbien ne pouvait avoir un parcours «normal»...

Le petit Paul (Gabriel Szabo), à qui on donnerait à peine 12 ans, aime porter la robe de nuit de Phoebe et son rêve est de se déguiser en «muse» le soir de l'Halloween. Et non en petit cochon comme le souhaite sa mère Claire... Le jeune comédien joue fort bien le rôle de ce garçon déjà efféminé et candide devant l'éternel, qui ne se doute pas des écueils qui l'attendent.

Une relation ambiguë

L'histoire prend une tournure plus troublante quand arrive le personnage de Sunny (excellent Philippe Robert). Le jeune homme de 26 ans, qui habite la même rue que Phoebe et Claire, garde le petit Paul certains soirs. Entre le petit et lui s'établit une relation ambiguë, le plus vieux ayant clairement refoulé son homosexualité.

Dans la deuxième partie survient un drame qui brouillera toutes les cartes, et mettra à l'épreuve la relation de Phoebe et de Claire. Marie Charlebois brille ici dans une scène où elle exprime toute sa colère, tout en se remettant en question. Ensemble, Simon Boulerice et Gaétan Paré créent une montée dramatique intéressante, qui nous tient en haleine.

Le dénouement de ce récit à la frontière de l'improbable nous renvoie l'image de Sharon Tate, assassinée par Charles Manson et ses disciples, qui ont tracé, rappelons-le, les lettres PIG avec le sang des victimes. C'est tordu, mais Simon Boulerice parvient à faire un lien avec le parcours de ses personnages.

Même si le thème de l'identité sexuelle est récurrent (voire redondant) dans le théâtre de Simon Boulerice, il faut reconnaître que l'auteur se décentre peu à peu de lui-même. Il réussit cette fois à nous faire embarquer dans son histoire, qui touche aussi à des enjeux universels. Toujours avec cette fantaisie juvénile, à la fois agaçante et charmante.

__________________________________________________________________________________

Au Théâtre Prospero jusqu'au 19 février.