On ne pourra jamais accuser le Théâtre Debout, qui s'est attaqué le printemps dernier (avec succès) à la pièce Amour/Argent du Britannique Dennis Kelly, de ne pas prendre de risques.

Le trio formé de l'auteure Fanny Britt et des comédiens Johanne Haberlin et Geoffrey Gaquère se frotte cette fois à l'oeuvre biscornue de la jeune dramaturge américaine Sarah Ruhl (In the Next Room, The Clean House).

Étrange croisement entre le conte fantastique, la comédie et la bédé d'action, Le cellulaire d'un homme mort nous entraîne dans la quête insensée d'une femme qui s'insinue dans la vie d'un étranger après avoir été le témoin de sa mort.

Une femme de près de 40 ans, Jean, se trouve attablée dans un café lorsque le cellulaire de son voisin de table se met à sonner. Mais l'homme ne répond pas. Et pour cause, puisqu'il est mort.

Déstabilisée par la scène, Jean décide de répondre au téléphone. Ce sera le début d'une incursion dans la vie de cet homme répondant au nom de Gordon. Qui était cet homme? Que faisait-il? Qui aimait-il?

Jean fera ainsi la connaissance de la famille du défunt, en lui prêtant de bons mots et des intentions nobles, qu'il n'a jamais eues. Mais en même temps qu'elle réinvente sa vie, elle découvre l'homme qu'il était vraiment.

Étrange salmigondis

La prémisse de cette pièce, qui fait ressortir l'incohérence et la pauvreté de nos rapports sociaux à l'ère du téléphone intelligent, est intéressante. Comme la grande solitude qui se dégage des personnages.

Malheureusement, le résultat sur scène est décevant et donne l'impression d'un étrange salmigondis.

Malgré le jeu inspiré de Christiane Pasquier, Johanne Haberlin et Isabelle Roy, notamment, le metteur en scène Geoffrey Gaquère nous étourdit avec toutes ces pistes qu'il explore et tous ces genres qu'il mélange. Comme s'il hésitait à choisir son angle d'attaque.

Le jeu équivoque de Patrick Goyette dans le rôle de l'homme mort a tôt fait de nous faire décrocher. Son ton trop familier et trop appuyé tranche avec celui de ses partenaires de jeu, plus juste et nuancé.

Tout n'est pas perdu, puisqu'on découvre ici une auteure surréaliste fascinante, capable d'aborder des thèmes actuels avec humour et intelligence.

Seulement voilà, le défi est grand pour donner corps à cette construction non linéaire. À force de nous ballotter à gauche et à droite, les ondes se brouillent. Et l'on ne capte à la fin que des bribes de ce message.

Le cellulaire d'un homme mort, jusqu'au 14 février à La Licorne.