«Vole toujours dans le milieu des airs, conseille Dédale à son fils Icare. Si tu descends trop bas, l'eau de la mer appesantira tes ailes. Si tu voles trop haut, le soleil les brûlera.» Voilà qui résume bien à la fois le mythe d'Icare et le défi des créateurs Michel Lemieux et Victor Pilon.

Difficile, en effet, de trouver le juste milieu entre le contenant et le contenu. Plus précisément dans ce déploiement d'effets visuels saisissants - dont le tandem Lemieux-Pilon est assurément passé maître -, mais sans faire ombrage au texte et à l'interprétation des acteurs.

À cet égard, les créateurs de La tempête et de La belle et la bête - toutes deux présentées au TNM - volent peut-être un peu trop près du soleil. L'imagerie en 3D éclipse par moments le très beau texte d'Olivier Kemeid, qui réussit de brillante manière à transposer le mythe grec dans notre monde actuel.

Kemeid, qui s'était illustré en 2007 avec son adaptation d'un autre mythe, celui de L'Énéide, parvient à trouver les mots justes pour faire le récit de cette relation père-fils au coeur du mythe d'Icare. Mieux, il fait la démonstration de l'ambition dévorante de ses personnages, qui eux aussi volent très près du soleil.

Il faut tout de même saluer le travail des metteurs en scène qui excellent dans la représentation des souvenirs de Dédale, hanté par les fantômes de son passé. Notamment par sa femme (Pascale Bussières), par son élève (Maxime Denommée) et par Icare enfant, qui nous apparaissent sous forme d'hologrammes.

Les deux acteurs (en chair et en os) forment un duo intéressant. Malgré ses trémolos dans la voix - un tic récurrent -, Robert Lalonde apporte toutes les nuances qu'il faut à son personnage labyrinthique de Dédale. Troublé par son passé. En proie à des hallucinations à la suite de la mort de son fils.

La relation de Dédale (célèbre architecte) avec son élève surdoué est un bel exemple de l'équilibre que parvient à trouver le tandem Lemieux-Pilon avec ses brillantes représentations visuelles de plans d'architecture dans l'espace, mais en laissant toute la place à l'acteur pour s'exprimer.

Renaud Lacelle-Bourdon est un peu la victime de la surenchère visuelle du spectacle avec ses convulsions lumineuses. Mais quand la mer d'effets spéciaux se calme, il sait montrer toute l'étendue de son talent. Il donne à son personnage d'Icare toutes les couleurs de son espoir et de sa détresse.

Le personnage du coryphée, qui chante divinement sur scène, est l'une des belles surprises de ce spectacle. Entre les différentes scènes, Noëlla Huet traverse le devant de la scène en chantant des passages du mythe d'Icare. Sa présence, essentielle, humanise la fable d'Icare.

La fin d'Icare est extrêmement touchante. La perte de ce fils que Dédale n'a su aimer, comme la détresse de ce père, condamné à revivre le film de sa vie. Dans l'ensemble, et malgré un léger emportement dans la facture visuelle, qui gagnerait à être recentré, Icare réussit son vol.

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Jusqu'au 8 février au TNM. Puis en tournée au Québec du 28 février au 26 mars.