Les champs pétrolifères n'est pas une pièce qui appelle les bravos. À la fin de la représentation de mercredi soir, après avoir poliment applaudi, le public est resté assis un bon moment avant de sortir du théâtre. Sans doute un peu sonné par le récit tordu de Guillaume Lagarde.

Dans ce premier texte, l'auteur autodidacte fait le portrait cinglant d'une famille de banlieue. Un portrait qu'il s'amuse à noircir toujours un peu plus, jusqu'à ce que les trois personnages se révèlent dans leur éclatante laideur. Prisonniers d'un bonheur factice. Dans un vide entouré de palissades.

Nous sommes en présence de Bernard et Barbara, un couple exécrable (Jacques Girard et Annette Garant) qui méprise allègrement les punks de la ville, «ces parasites qui envahissent la périphérie et qu'on devrait enfermer». Un couple désincarné qui se complaît dans son confort tout en épiant ses voisins...

Au fil des saynètes, qui s'étirent parfois en longueur dans la première partie, la vraie nature de Bernard et Barbara nous apparaît de plus en plus crûment. Annette Garant est particulièrement intense dans son rôle de maîtresse de maison dominatrice. Même dans ses abus verbaux.

Avec eux vit leur fils Bruno (Guillaume Cyr), que ses parents ignorent ou détestent, selon leur humeur. Ils vont même jusqu'à lui dire: «T'es un fantôme qui disparaît jamais!» Vous l'aurez compris au ton, il y a beaucoup de méchanceté dans les dialogues de ces Champs pétrolifères. Et vraiment très peu d'amour.

Arrive une jeune fille de la ville, Blanche (Marilyn Castonguay), cueillie par ce fils honni lors d'une virée en moto. L'arrivée de cette jeune fille marginale de la rue est la matière première de ce drame surréaliste. Sa présence va faire éclore les pires pulsions de ses membres, qui vont tout mettre en oeuvre pour la posséder.

Guillaume Lagarde dérange assurément avec ce portrait hideux de la famille. Des dessous qui rappellent la troublante déroute de la famille Burnham dans le film American Beauty. Même malaise après coup, en dépit de la démesure des personnages.

La mise en scène de Patrice Dubois est parfaitement arrimée à ce récit décliné par secousses qui s'assombrit progressivement. Avec le concours de la scénographe Geneviève Lizotte, il parvient à créer ce vide qui habite les personnages.

Soyez averti, on ne sort pas guilleret de ce lavage de linge sale. Même imparfait, ce texte de Guillaume Lagarde nous bouscule. Ce qui n'est jamais agréable.

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Jusqu'au 14 décembre à l'Espace Go.