Le Théâtre Ebouriffé s'est inspiré de rien de moins que des essais de Montaigne pour sa nouvelle pièce, Un château sur le dos, qui sera présentée à la Maison Théâtre à compter de mercredi. Un projet de Marie-Ève Huot, metteure en scène dynamo qui porte la cause du théâtre jeunesse partout où elle passe.

L'essai de Montaigne qui a inspiré cette création raconte l'histoire d'un royaume envahi par les barbares. Accordant sa pitié aux femmes, le roi barbare leur permet de partir avec leurs biens et trésors sur le dos. Mais celles-ci décident de prendre les hommes et les enfants sur elles.

«Le roi barbare réalise alors qu'un royaume sans humanité, ça ne sert à rien, explique Marie-Ève Huot. Et il capitule devant cet acte de courage et d'humanité.»

Lorsque l'auteur Martin Bellemare lui a fait découvrir cette anecdote historique, il y a déjà plusieurs années, Marie-Ève Huot s'est tout de suite sentie interpellée. «L'essai parle de pitié, l'anecdote relève plutôt du courage et de la loyauté. J'ai trouvé que c'était important de parler de ça à des enfants, alors j'ai dit à Martin: il faut que tu écrives une pièce là-dessus!»

Tous deux ont travaillé en collaboration pour la création de cette oeuvre contemporaine dans son langage - «Martin écrit beaucoup en vers libres, un peu comme Suzanne Lebeau» -, mais qui se déroule au XIIe siècle et n'a pas été actualisée. «Par rapport à la création québécoise, qui propose plein de lectures nouvelles de plein de choses, nous avions envie de nous frotter à une écriture classique. Sans prétention aucune, Martin s'est dit: pourquoi ne pas offrir un petit Shakespeare aux enfants?»

La pièce, qui a déjà été jouée une trentaine de fois depuis sa création, va autant dans les zones dramatiques que comiques. «C'est intense comme spectacle, admet-elle, mais le chef des barbares est tellement cruel, tellement fou, qu'il en devient grotesque et risible. Le comique vient bonifier le tragique. Et il n'y a pas que du drame, il y a des moments où on peut souffler.»

Mélange des genres

À la mise en scène, Marie-Ève Huot a choisi le mélange des genres. Marionnettes et théâtre d'ombres côtoient les comédiens, qui jouent comme dans une lecture publique, sans se regarder entre eux. «Ce sont les personnages qui portent l'histoire, comme les hérauts du Moyen Âge qui allaient porter une parole sur la place publique. Ce n'est pas une mise en scène réaliste du tout.»

Toute la scénographie a d'ailleurs été pensée dans un esprit d'évocation plutôt que de représentation. Le décor est ainsi fait d'ombres projetées à partir de deux petits modules. «Le château est fait de bobines de fil et de laine, le camp des soldats est construit avec des boîtes de conserve, et ils sont projetés par l'éclairage sur un cyclo derrière.»

C'est un spectacle low fi, admet-elle en rigolant, où le rétroprojecteur, très «vieille école», a été préféré à la vidéo, et où les marionnettes sont fabriquées avec de la ferraille - pots de peinture, passoires, pelles à biscuits... «On l'a fait avec zéro moyen! C'est un spectacle qui fait appel à l'intelligence des enfants. J'ai confiance en leur imaginaire.»

Marie-Ève Huot, ouvreuse de fenêtres

Directrice artistique du Théâtre Ébouriffé, artiste invitée en résidence au Caroussel, présidente de Théâtres unis enfance jeunesse, membre du Comité artistique de la Maison Théâtre, Marie-Ève Huot est très active dans le milieu du théâtre jeunesse depuis sa sortie de l'école en 2006.

On a vu son travail entre autres dans une magnifique reprise d'Une lune entre deux maisons, de Suzanne Lebeau, et dans le conte musical Léo et les presqu'îles, de Gilles Vigneault.

En janvier, à la Maison Théâtre, elle dirigera les comédiens finissants du cégep Lionel-Groulx dans Reviens!, pièce gagnante du concours Le théâtre jeune public et la relève, et sa nouvelle pièce Noeuds papillon sera présentée en France en 2014.

«J'ai eu la chance d'aller voir très jeune beaucoup de spectacles avec mes parents, raconte-t-elle, et je suis devenue la personne que je suis parce que j'ai été en contact avec différents univers. J'essaie d'ouvrir des fenêtres aux enfants en leur proposant des spectacles, mais si je m'implique autant dans le milieu, c'est que je crois vraiment que le théâtre peut permettre aux enfants d'appréhender autrement le monde.»

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Du 6 au 23 novembre à la Maison Théâtre. Pour les 8 à 11 ans.