Avec Gretel et Hansel, la nouvelle création qu'ils présentent cet automne à la Maison Théâtre, l'auteure SuzanneLebeau et le metteur en scène Gervais Gaudreault continuent la fructueuse collaboration qu'ils ont amorcée il y a 40 ans.

Dans cette pièce librement inspirée du conte des frères Grimm, le petit Hansel tombe royalement sur les nerfs de sa grande soeur Gretel. S'installe une relation d'amour-haine qui commence à la maison dès l'arrivée du nouveau bébé, se poursuit lorsque les enfants sont perdus en forêt, et passe très près de se terminer tragiquement chez la sorcière...

«C'est en observant mes deux petites-filles, qui ont à peine 18 mois de différence, que j'ai eu l'idée de ce thème, dit Suzanne Lebeau. Mais en finissant d'écrire ce texte, c'est moi et mes relations avec mes frères et soeurs que je voyais.»

Rivalités de fratrie

La fratrie et ses rivalités sont donc au coeur de cette nouvelle production des deux complices. Leur compagnie, Le Carrousel, n'a jamais eu peur d'aborder des sujets difficiles et d'affronter les tabous. «J'aurais l'impression d'avoir manqué mon coup si mon travail ne laissait pas de traces», dit Suzanne Lebeau, qui croit qu'on peut tout dire aux enfants.

«C'est notre vie et notre combat, lance d'ailleurs Gervais Gaudreault, qui n'a jamais été avare de symboles dans ses mises en scène. Nous croyons profondément à la capacité qu'a l'enfant de percevoir, de comprendre les univers subtils et complexes.»

Surtout que les enfants sont eux-mêmes générateurs d'émotions très intenses, «qui vont des grandes colères aux joies immenses», constate Gervais Gaudreault.

Ils peuvent être hypocrites, gentils, doux, manipulateurs... «Ce sont des êtres humains complets», ajoute Suzanne Lebeau.

Relation changeante

Dans Gretel et Hansel, la relation entre les deux enfants est donc changeante. Eh oui, le petit frère subit souvent les foudres de sa grande soeur. «Le conte me permet d'arriver d'une manière plus légère et plus profonde, en passant par des archétypes, au dilemme existentiel de Gretel, qui est: est-ce que je me débarrasse de lui ou non? Dans la réalité, dire: je veux me débarrasser de mon frère, c'est interdit et ce serait jugé comme quelque chose d'atroce. Dans un conte, on peut le faire.»

Gervais Gaudreault adore l'idée du «détournement de conte». Et autant il aime que Suzanne Lebeau soit allée puiser au fond de celui-ci - «Elle peut faire ça parce qu'elle connaît l'univers des contes par coeur» -, autant il ne souhaitait pas l'illustrer platement. Ainsi, il n'y aura ni forêt ni maison de pain d'épice sur la scène de la Maison Théâtre.

Le metteur en scène est en fait parti de la situation de départ - Gretel en train de se faire nourrir par sa mère, puis oubliée lorsque le nouveau bébé arrive - pour créer la scénographie. «Il n'y aura qu'un seul objet: une chaise haute, dit-il. En fait, il y aura 15 chaises traditionnelles en chêne identiques. Tout le spectacle est fait à partir de ça. On joue sur le dedans, le dehors, les chaises se transforment en forêt, en bois pour le bûcher. C'est très simple, c'est presque une installation. Mais je crois que les enfants vont voyager à partir de ça.»

Malgré leur grande expérience, la réaction du public reste toujours une surprise. Mais en suivant leur ligne directrice - faire se rencontrer l'art et les enfants -, Suzanne Lebeau et Gervais Gaudreault ne se sont pas souvent trompés. «Le théâtre jeunesse n'est pas un genre en soi, affirme le metteur en scène. C'est du théâtre, au même titre que les bons albums pour les jeunes me rejoignent et me bouleversent. Il n'y a pas de condescendance dans ce qu'on fait, tout n'est pas prémâché parce qu'on a peur que les enfants ne comprennent pas. Des fois, c'est étonnant, ils nous apprennent à avoir du courage.»

> Gretel et Hansel, à la Maison Théâtre, du 22 octobre au 3 novembre. Pour les 6 à 9 ans.