Steve Galluccio a fait entrer le public québécois dans les salons et les cuisines des Italo-Montréalais. Aujourd'hui, l'auteur et scénariste aimerait bien que les Italiens en sortent.

Au Québec, peu d'auteurs peuvent jouer pour les deux équipes... Voir leurs pièces produites à la fois chez Duceppe et au Centaur; leurs téléséries diffusées à CBC et à la SRC (oups! Ici Radio-Canada Télévision); leurs scénarios tournés en anglais comme en français, avec Mary Walsh et Patrick Huard.

Mais Steve Galluccio n'est pas un auteur comme les autres: c'est un Rital. Depuis son enfance à Ahuntsic, il a l'habitude de passer d'une langue à l'autre, de s'inspirer des cultures francophone et anglophone. «Je me trouve privilégié de pouvoir travailler dans les deux langues, de faire partie des deux milieux», affirme l'auteur de la pièce à succès Mambo Italiano.

Et cela, tout en conservant sa tête de cochon et son caractère très italiens. «Je vis un rapport amour-haine avec ma communauté", dit Galluccio, rencontré dans un resto italien du Vieux-Montréal, quelques jours avant la première de sa nouvelle pièce, The St. Leonard Chronicles, mise en scène par Roy Surette, directeur du Centaur.

Sans refaire un autre Mambo (Steve a écrit la suite du film et sa productrice, Denise Robert, cherche actuellement un réalisateur pour entreprendre le projet), Galluccio parle encore de ce qu'il connaît le mieux: la famille d'immigrés italiens et ses enfants nés ici. Or, la famille n'est pas un thème, plutôt un microcosme pour mieux analyser les névroses, les contradictions et les peurs des Italiens, d'une génération à l'autre.

«Les Italiens sont tous des drama queens, dit-il. Ça fait partie de notre culture de réagir dramatiquement pour un oui, pour un non. On fait des montées de lait, on se crie des bêtises, puis, on passe au prochain appel... comme si rien ne s'était passé.»

Traditions

Pièce en un acte de 90 minutes, The St. Leonard Chronicles se déroule au cours du traditionnel souper en famille du dimanche. Le repas va vite tourner au vinaigre, lorsque les hôtes, Robert et sa femme Terry, annoncent à leur famille respective qu'ils ont l'intention de vendre leur maison à Saint-Léonard pour déménager à Beaconsfield... C'est la trahison! Une véritable déclaration de guerre!

On ne s'en sort jamais, de sa famille?

«En bon Italien célibataire, je suis resté dans le logement familial pour m'occuper de mes parents et de mes tantes. J'ai habité avec eux jusqu'à la mort du dernier membre de ma famille. Je suis parti de là... à 47 ans, pour aller vivre avec mon chum. Je n'aurais jamais osé le faire de leur vivant!»

«Au fond, c'était peut-être moi, le problème? Je n'étais pas un fils typiquement italien. Je n'avais pas de blonde. Je faisais du théâtre au Fringe. J'allais dans des bars au centre-ville. Je vivais en marge dans un monde que ma famille ignorait.»

Le poids du passé

Steve Galluccio n'a jamais compris l'attachement que les Italiens d'ici ont pour le passé, la tradition, et un mode de vie qui n'existe même plus en Italie. De la part de la génération de ses parents, partis après la guerre, ça peut s'expliquer... Mais d'Italiens nés ici dans les années 70 ou 80?

«C'est pour ça que j'écris, dit-il. Pour essayer de comprendre pourquoi les plus jeunes tombent dans le même panneau. Plusieurs jeunes refusent encore le changement, la modernité, l'ouverture à la différence.»

«Mais le thème de la pièce, c'est le regret, poursuit-il. Dans la vie, en vieillissant, je crois qu'on a tous des regrets. En retrait du souper, on trouve le personnage de la grand-mère qui a été forcé de se marier avec un homme qu'elle n'aimait pas. Et renoncer à l'amour de sa vie.»

«Ma tante me disait souvent que son plus grand regret, c'est qu'elle n'avait pas reçu une bonne éducation. Et elle est venue ici pour permettre à ses neveux et ses nièces d'avoir accès aux études supérieures.»

Quand on est italo-montréalais, la famille même disparue reste toujours vivante. «J'ai encore le réflexe de culpabiliser quand je fais quelque chose que mes parents n'auraient pas approuvé, confie Galluccio. Je les entends me gronder dans ma tête!»

Contrairement à ce que dit la chanson... il n'est pas toujours gai d'être un Italien.

> The St. Leonard Chronicles. Du 1er octobre au 3 novembre, au théâtre Centaur.

Galluccio à l'écran

> Funkytown, réalisé par Daniel Roby (2011)

> Surviving My Mother, réalisé par Émile Gaudreault (2007)

> Ciao Bella, réalisé par Patrice Sauvé (CBC/SRC, 2004)

< Mambo Italiano, réalisé par Émile Gaudreault (2003)

Galluccio à la scène

> In Piazza San Domenico, Centaur (2009)

> Mambo Italiano, en anglais au Centaur (2001) et à Toronto (2003)

> Mambo Italiano, création en français chez Duceppe dans une traduction de Michel Tremblay (2000)

> Peter and Paul Get Married, festival Fringe (1995)

Galluccio à Broadway?

L'auteur a aussi un projet de Mambo: The Musical sur Broadway. Le livret est déjà écrit (par un dramaturge new-yorkais) et la balle est dans le camp des producteurs new-yorkais.