Des déclarations de Silvio Berlusconi servent de charnière à La resistenza, collages en cinq actes d'Olivier Kemeid où il est question de fascisme et de poésie. Luce Pelletier met en scène ce cabaret poétique et politique qui lance la dernière année du cycle italien du Théâtre de l'Opsis.

«On dit souvent qu'une image vaut mille mots, mais il y a des mots qui valent mille images», estime le dramaturge Olivier Kemeid. Il en est plus convaincu que jamais alors qu'il observe la naissance scénique de La resistenza, spectacle proche du cabaret littéraire que dirige Luce Pelletier et dont il a sélectionné et agencé les textes.

Le pluriel s'impose puisque c'est dans des journaux, des recueils de poésie, des oeuvres littéraires et même dans le cinéma de Fellini qu'il a puisé les paroles qui peindront le portrait de l'Italie contemporaine. Après avoir exploré la dramaturgie italienne d'hier et d'aujourd'hui, Luce Pelletier juge en effet que le moment est venu pour la compagnie de «se positionner ici».

Ici? Est-il possible de tendre un miroir à une société, la nôtre, en prenant les voix d'un autre peuple? Luce Pelletier et Olivier Kemeid croient que oui. On est un peu forcé de croire que ce rapprochement est possible en les entendant énumérer certains sujets abordés dans La resistenza: déliquescence des élites, nivellement par le bas à la télé, corruption...

Parler d'ailleurs

Olivier Kemeid l'avoue un peu candidement: «Des fois, on se sent plus libre de parler d'ailleurs.» Or, l'Italie n'est pas n'importe quel ailleurs. C'est un pays avec lequel le Québec a des liens étroits et pas juste en raison des gens qui défilent à la commission Charbonneau... Montréal, en particulier, doit beaucoup à son importante communauté italienne.

«L'Italie est un pays qui est capable du plus grand raffinement - dont Venise est l'aboutissement ultime - et en même temps de la plus grande vulgarité, juge le dramaturge. On allume la télé italienne et on capote! Ils sont capables de Dante, de Pasolini, de Casanova... et de Berlusconi.»

La figure du Cavaliere joue d'ailleurs un rôle particulier dans ce collage de textes. Chaque segment thématique est en effet lancé par une citation de Berlusconi. «C'est comme ça que j'ai travaillé: dès que j'entendais une de ses déclarations, j'entendais 100 000 voix d'écrivains lui répondre», explique Olivier Kemeid.

Ces voix, ce sont celles de Primo Levi, de Fausto Paradivino, d'Elsa Morante, de Roberto Saviano et d'une foule d'autres connus ou moins connus, comme celle de la comédienne Giuliana Musso (Sex Machine). Des voix qu'il a agencées de manière à bien les faire entendre et, parfois, de façon à en souligner cet «humour de désespérance et de survie» qui, l'homme de théâtre en est convaincu, a aussi quelque chose de québécois.

Luce Pelletier, chef d'orchestre de ce cabaret poétique et politique, dit se mettre volontairement au service des mots dans ce spectacle où, bien entendu, il sera question de Mussolini et de la résistance qui s'est organisée contre son régime. Les armes, ici, seront les textes. «J'aime montrer la force que peuvent avoir les mots et leur espèce de fragilité, dit Olivier Kemeid. Un mot, ce n'est rien; en même temps, c'est tout.»

> Du 3 au 19 octobre à la Cinquième Salle de la PdA.