Ceux qui conservent un souvenir émerveillé du spectacle solo Les aiguilles et l'opium de Robert Lepage, créé en 1991, retrouveront une oeuvre avec plus de chair et plus de profondeur, à compter du 14 septembre, au Théâtre du Trident, à Québec.

À l'origine de la création des Aiguilles et l'opium, il y a eu une grande peine d'amour. Robert Lepage venait alors de lire Lettres aux Américains, de Jean Cocteau, et n'avait pas l'intention de laisser son histoire personnelle s'immiscer dans sa création. Celle-ci a toutefois trouvé écho dans les tribulations de deux géants, le poète Cocteau et le trompettiste Miles Davis.

«Je m'amusais avec la coïncidence historique de la présence du Parisien à New York alors que l'Américain Miles Davis était à Paris, explique le metteur en scène. [...] L'un est un opiomane et l'autre un héroïnomane et moi, je vivais une grande dépendance affective. Ça fait une oeuvre un peu bigarrée, un peu étrange, faite dans l'urgence.»

Ironie du sort, à la création, le créateur et interprète a dû reporter la première d'une semaine à cause d'une blessure au dos. «Les aiguilles et l'opium a été une aventure dès le début. [...] Dans mon cas, les spectacles qui ont été des succès ont souvent débuté sur les chapeaux de roue», raconte Robert Lepage, qui a présenté le solo, qui s'inscrit entre Vinci et Elseneur, en français et en anglais sur plusieurs continents.

Lorsque Marc Labrèche a repris le flambeau à la fin de 1993, Robert Lepage dirigeait une pièce au Théâtre Royal de Stockholm le jour, et jouait Les aiguilles dans un autre théâtre le soir. «Marc voulait s'essayer devant public. Le seul moyen était de faire une matinée, et les seules personnes disponibles étaient Bibi Andersson, Max von Sydow, Erland Josephson... Marc était un peu sidéré», dit M. Lepage en riant.

L'influence de Marc Labrèche

L'idée de recréer Les aiguilles et l'opium est venue de l'acteur et animateur, qu'on a beaucoup vu à la télé. «Marc Labrèche ne m'a pas seulement remplacé, il a fait grandir le rôle», souligne M. Lepage, qui signe le texte et la mise en scène du spectacle. «On le connaît comme ce caméléon capable de tout tourner à la dérision, mais c'est quelqu'un d'extrêmement profond, d'extrêmement sensible, qui a des blessures à raconter lui aussi.»

Il aura fallu deux ans avant que les horaires chargés d'Ex Machina et de Labrèche leur permettent de tenir les premières répétitions. «La remouture est tridimensionnelle, plus approfondie, indique M. Lepage. À la création, je jouais sur une petite scène devant un écran sur lequel on faisait des projections. Je jouais moi-même Jean Cocteau et Miles Davis. Mais je ne pouvais pas me changer assez vite pour jouer un Noir américain qui est le roi du jazz, alors je le faisais en ombres chinoises. [...] Disons que maintenant, le spectacle est plus cubiste.»

Bien que le spectacle demeure un solo, un comédien acrobate danseur incarnera le jazzman et une actrice fera une apparition pour évoquer Juliette Gréco. Le spectacle sera ainsi plus charnel, selon son créateur.

Les aiguilles et l'opium, produit par Ex Machina, sera présenté au Théâtre du Trident du 14 septembre au 12 octobre.