Le théâtre, c'est d'abord le terrain de jeu des actrices et des acteurs. Soir après soir, ils avancent dans la lumière des projecteurs et portent des histoires d'aujourd'hui ou d'un lointain hier. L'envie de créer incite toutefois plusieurs artisans du théâtre, en particulier les plus jeunes, à mener d'autres vies d'artiste en parallèle.

Sylvie Drapeau

Il est arrivé, enfin, ce projet de monter La cerisaie pour Sylvie Drapeau et Alexandre Marine! Il y a six ans, quand le metteur en scène a rencontré pour la première fois la comédienne (à la demande d'une «entremetteuse» artistique du nom de Denise Filiatrault), Marine a lancé à Drapeau: «Lioubov Andreevna!»

Six ans plus tard, la production se concrétise au Rideau Vert. Aux côtés de Marc Béland, entre autres, Sylvie Drapeau sera Lioubov, cette propriétaire déchue, fière et nostalgique qui, au retour d'un exil à Paris, retrouve sa cerisaie dans un piètre état. Tragicomédie de Tchekhov, La cerisaie est un chef-d'oeuvre fait de nuances, de temps morts, de nostalgie. Une pièce comme un condensé de vie pour annoncer la fin d'une ère et le début d'une autre. La Révolution est aux portes.

«En russe, le prénom Lioubov signifie amour, explique Sylvie Drapeau. Il y a les événements extérieurs, mais aussi tout un monde à l'intérieur de cette femme blessée dans ses amours, sa maternité.»

Une pièce grandiose portée par une actrice grandiose.

- Luc Boulanger

Au Théâtre du Rideau Vert,

du 24 septembre au 19 octobre

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Hélène Bourgeois-Leclerc

On la voit peu au théâtre, Hélène Bourgeois-Leclerc. La dernière fois, c'était en 2008 et avant, en 2003. Quand le metteur en scène Michel Poirier lui a proposé La Vénus au vison chez Duceppe, son bébé avait cinq jours! Or, elle ne pouvait pas refuser ce rendez-vous avec Vanda, l'actrice comique et sexy imaginée par l'auteur David Ives.

À sa création, le New York Times a qualifié la pièce de «good, kinky&fun» (bon, pervers et amusant). «J'ajouterais troublant, dit Bourgeois-Leclerc. Car ça parle de ce que la nature humaine peut avoir de pervers, pas seulement sur le plan de la sexualité, mais aussi sur les rapports de pouvoir, de domination, de soumission, etc. C'est très confrontant.»

Vanda est donc une actrice qui va passer une audition pour jouer dans une pièce historique. Elle arrive en retard, fébrile, intimidée devant le dramaturge et metteur en scène (Patrice Robitaille). Déterminée, la comédienne va tout faire pour obtenir ce rôle. Une pièce sur le jeu et la séduction... Voilà un univers pas trop éloigné de celui des interprètes. On a envie d'y aller, question de se laisser séduire par la belle Hélène!

- Luc Boulanger

Théâtre Jean-Duceppe,

du 11 septembre au 19 octobre

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Guillaume Cyr

Guillaume Cyr ne s'est pas ménagé au cours des dernières années. On a notamment pu le voir au théâtre dans Sorel-Tracy, d'Emmanuel Reichenbach, et Billy (les jours de hurlement) de Fabien Cloutier, pièce reprise par La Licorne pendant tout le mois de septembre.

Parallèlement à ça, le corpulent acteur incarnera pour la troisième saison le personnage de Jean-Jean dans l'émission jeunesse 1,2,3... Géant! Mais c'est dans le film Louis Cyr qu'il dit avoir réalisé son rêve. «C'est le truc dans ma carrière dont je suis le plus fier. C'est la première fois que le milieu m'accordait une aussi grande marque de confiance. Moi, depuis que je suis haut comme ça qu'on me demande si je fais partie de la famille de Louis Cyr...»

En multipliant les rôles, le comédien de 31 ans avoue qu'il y a un risque de se brûler. «Je réalise que j'ai de la broue dans le toupet, dit-il. Mais je commence à être plus sélectif parce que l'offre est un peu plus grande. J'ai aussi envie d'écrire, pour le théâtre et pour le cinéma.» Avant la fin de l'année, on le verra à l'Espace Go dans Les champs pétrolifères de Guillaume Lagarde, présentée par le Théâtre Petit à Petit (PAP) de Patrice Dubois et Claude Poissant.

- Jean Siag

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Olivier Morin

Il a déjà créé deux pièces avec son Théâtre du Futur qu'il a fondé avec Guillaume Tremblay: Clotaire Rapaille, l'opéra rock, qui se déroulait en 2045; et L'assassinat du président, qui fait le récit d'un Québec indépendant dirigé par Gilles Duceppe en 2022.

Mais qu'est-ce qu'Olivier Morin cherche en sondant ainsi l'avenir? «On utilise ce qu'on sait aujourd'hui pour regarder en avant et faire un peu de divination, répond le comédien. On regarde dans le futur pour mieux comprendre ce qui se passe actuellement. On se demande ce qu'on est en train de bâtir comme passé.» Sa compagnie, en résidence au Théâtre d'Aujourd'hui pour deux ans, présente L'assassinat du président jusqu'au 21 septembre.

Brillant dans Le grand cahier d'Agota Kristof, le comédien remontera sur scène en novembre pour La Resistenza, texte d'Olivier Kemeid mis en scène par Luce Pelletier du Théâtre de l'Opsis. En attendant, Olivier Morin et Guillaume Tremblay continuent de prévoir l'avenir. Il mettent la dernière touche à une «biographie non autorisée» de l'Orchestre symphonique de Montréal. Un projet radiophonique qui sera diffusé le 24 septembre à Espace Musique.

- Jean Siag

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Steve Gagnon

«Ce que j'aime au théâtre, c'est la prise de parole. C'est ce que j'aime voir et c'est pour ça que je fais ce métier-là», tranche Steve Gagnon. Son engagement total envers le théâtre n'est pas une posture: le jeune homme originaire de Québec est comédien, metteur en scène et auteur.

Son penchant pour le théâtre éloquent et incarné était manifeste dans Ventre, poétique cri du coeur sur les blessures amoureuses présenté l'an dernier à La Licorne sous la direction juste de Denis Bernard. La pièce est reprise plus tard cette année à Québec.

Steve Gagnon se consacre tout entier à une pièce librement inspirée de Britannicus de Racine, où s'affiche encore ce désir d'être entier et fidèle à soi-même. Ce que le titre de la pièce traduit très clairement: En dessous de vos corps je trouverai ce qui est immense et qui ne s'arrête pas.

«Ce qui m'intéressait, c'était Néron. Son impulsivité, son désir d'être immense», raconte l'auteur. Renaud Lacelle Bourdon jouera son Néron 2013, autour duquel graviteront Junie, Britannicus et Octavie.

«Ce qui m'agace, c'est la sensation qu'on se résigne, qu'on accepte rapidement une certaine convention. Ce moule dans lequel on entre assez facilement», insiste Steve Gagnon, qui sera aussi de la distribution de Commedia, production de l'Opsis sur Goldoni présentée en mars au Théâtre Denise-Pelletier.

- Alexandre Vigneault

En dessous de vos corps,

dès le 1er octobre à La Licorne.

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Max Otto Fauteux

«J'ai baigné toute ma jeunesse dans des univers visuels et des villages en toc qui se construisaient en une semaine», raconte le scénographe Max Otto Fauteux. Son père, Ronald Fauteux, a en effet signé la direction artistique de plusieurs fictions d'époque telles Le survenant, Séraphin et Marguerite Volant.

Max Otto Fauteux, quant à lui, a trouvé un sentier «plus contemporain» en renouant avec un art pourtant millénaire: le théâtre. Un plateau vide et la boîte noire d'une salle de théâtre sont pour lui des univers de possibilités. «Avant le média lui-même, c'est la scène et l'idée du live qui m'intéressent», précise-t-il.

Denise Guilbeault l'a repéré et embauché pour Manhattan Medea à Espace Go, théâtre où il a travaillé souvent depuis. Il y sera de retour deux fois cette année pour la reprise de Cinq visages pour Camille Brunelle, spectacle qui creuse la mise en spectacle de nos vies sur les réseaux sociaux, et la création de Villa Dolorosa avec Anne-Élisabeth Bossé.

C'est par l'oreille que l'inspiration vient à Max Otto Fauteux, qui travaille aussi avec le groupe Random Recipe. Il enregistre les premières lectures d'une pièce et les réécoute en boucle, éveillé ou... endormi. «Je fonctionne à la sieste, avoue-t-il. Les sons me stimulent énormément et c'est là que le subconscient libère quelque chose. Ça élargit la piste d'envol.»

- Alexandre Vigneault

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Laurence Dauphinais

Laurence Dauphinais ne se rappelle pas quand elle a choisi d'être comédienne. Elle joue depuis l'enfance, d'abord dans Sous un ciel variable, puis dans Ram Dam. Elle a découvert le métier en allant voir sa mère, qui est coach d'acteurs, sur les plateaux de Radio-Canada.

La comédienne se souvient par contre qu'au début de l'âge adulte, elle en a eu marre de faire les choses à moitié: l'université à temps partiel, puis le jeu à temps partiel. «L'École nationale de théâtre, pour moi, ça représentait l'engagement», raconte-t-elle.

Sortie de l'école en 2009, elle a joué depuis à la télé (Les bobos, Lance et compte, etc.) et s'est notamment illustrée au théâtre dans Cinq visages pour Camille Brunelle, pièce qui interroge notre rapport à notre image à travers le filtre des médias sociaux.

Avec un collectif, elle a aussi monté l'iShow, spectacle-performance extrêmement intéressant qui soulève aussi des questions quant à notre rapport à l'internet et qui est repris ce mois-ci à l'Usine C.

Entre création et interprétation, Laurence Dauphinais ne veut pas choisir. «Je fais de la musique aussi, glisse la comédienne. Tout le jeu de l'interprète, c'est du travail de création. Sauf que, en général, on n'en parle pas en ces termes-là.»

- Alexandre Vigneault

iShow, dès le 18 septembre

à l'Usine C.


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Sébastien Dodge

Nous avons affaire ici à un grand acteur. À 35 ans, Sébastien Dodge a créé une multitude de rôles de composition, toujours avec rigueur et précision. Que ce soit dans des pièces comme Le moche ou Dissidents, le comédien laisse chaque fois une trace. «C'est ce que j'aime le plus faire, indique-t-il, même si j'ai souvent des rôles de freak...»

Mais Sébastien Dodge a accouché de plusieurs textes. On a notamment pu apprécier La guerre et La genèse de la rage, deux pièces créées par son Théâtre de la Pacotille. Cet automne, il met en scène Dominion à l'Espace libre (du 10 au 29 septembre), western spaghetti centré sur les débuts de la Confédération canadienne. «Je suis un grand fan d'histoire et j'avais envie de raconter cette période charnière de notre histoire, explique l'auteur et metteur en scène. Mes trois protagonistes sont John A. Macdonald, George-Étienne Cartier et Wilfrid Laurier. Un peu comme le bon, la brute et le truand.

En parallèle, je voulais intégrer des éléments du folklore québécois...» L'an prochain, Sébastien Dodge a l'intention de créer une pièce sur la chute de Rome. Au mois de novembre, on le verra dans la nouvelle création du Nouveau Théâtre expérimental (NTE) Viande à chien, dans le rôle de Séraphin.

- Jean Siag

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Sonia Cordeau

Sonia Cordeau s'est fait remarquer avec son trio du Projet bocal (avec Simon Lacroix et Raphaëlle Lalande) le printemps dernier à La Licorne. Une petite forme théâtrale constituée de plusieurs saynètes, où elle joue et chante avec un plaisir contagieux.

La jeune comédienne diplômée en 2010 du Conservatoire d'art dramatique ne risque pas de manquer d'offres au cours des prochains mois. Elle tourne actuellement sa sixième saison de l'émission satirique Les appendices, diffusée à Télé-Québec. À l'automne, Sonia Cordeau fera son entrée au TNM dans Le balcon de Jean Genet (du 5 au 30 novembre).

«J'ai un petit rôle, tempère-t-elle, je ne joue que dans une seule scène, mais je suis très contente. J'ai vraiment hâte de me retrouver avec les comédiens et de rencontrer René Richard Cyr, qui fait la mise en scène. C'est quand même impressionnant de jouer au TNM...» L'an prochain, elle a l'intention de créer un nouveau spectacle avec le Projet bocal. On la retrouvera également dans L'histoire des ours pandas au Théâtre Prospero au mois de février, avec des acteurs de sa cohorte qui ont fondé le Théâtre Le Chantier.

- Jean Siag

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Navet Confit

Navet Confit (Jean-Philippe Fréchette) n'avait pas prévu devenir compositeur pour le théâtre. Il a d'ailleurs enregistré et publié plusieurs disques et E.P. (dont ses albums LP1 et LP2) avant de s'associer à Olivier Morin et Guillaume Tremblay pour Clotaire Rapaille, l'opéra rock.

«Je me suis senti à l'aise dans ce monde-là. Il faut être polyvalent et sur mes albums, je faisais déjà des chansons dans différents styles», raconte le compositeur, qui a aussi collaboré avec Martin Faucher (Jusqu'où te mènera ta langue?) et Sarah Berthiaume (Villes mortes).

À l'automne, la bande du Théâtre du Futur, la compagnie de création à l'origine du spectacle sur Clotaire Rapaille, revient avec L'assassinat du président, «une épopée nationale, intime et shakespearienne» où il est question de la souveraineté du Québec et de menaces de mort contre Gilles Duceppe. «Mon apport tient plus de la conception sonore et du bruitage, pour ce spectacle-là», dit le musicien.

Navet Confit poursuit en parallèle son boulot de réalisateur de disques (pour le Montréalais d'adoption Ludo Pin, entre autres) et a déjà trois albums de chansons à lui fin prêts. Il espère les voir paraître à l'automne. «Je suis en discussion avec un label», dit-il.

- Alexandre Vigneault

L'assassinat du président, dès mardi au Théâtre d'Aujourd'hui (salle Jean-Claude-Germain).

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