La comédienne Huguette Oligny est décédée jeudi soir vers 23h, à l'âge de 91 ans.

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Son beau-fils, Pascal Gélinas, venait tout juste de réaliser un documentaire sur sa vie, intitulé Huguette Oligny, le goût de vivre.

Grande comédienne, Huguette Oligny était dotée d'une mémoire phénoménale qui faisait l'envie de ses camarades de scène. Dès l'âge de trois ans, elle connaissait des fables de La Fontaine sur le bout des doigts, elle s'en souvenait encore à la fin de sa vie.

Née à Montréal en 1922, Huguette Oligny était la fille d'Odette Oligny qui était journaliste aux pages artistiques de La Presse, avant de passer au journal Le Canada. La jeune Huguette suivra un temps les traces de sa mère et signera des articles dans la Revue moderne, l'ancêtre de Châtelaine. Sa mère l'emmène voir des spectacles qui la font rêver. Mais ce qui la passionne vraiment, c'est le théâtre.

C'est  en 1943 qu'elle montera pour la première fois sur les planches, au Théâtre de l'Arcade dans Le Voyage de Bernstein. Elle multipliera les rôles dans ce théâtre très conventionnel dans lequel elle avait pourtant l'impression de ne pas évoluer. Aux boulevards et ses éternels ménages à trois, elle rêve de jouer du Tchekov, du Lorca, du Molière. L'arrivée du génial metteur en scène Pierre Dagenais à la tête de la troupe de l'Équipe, viendra combler ce besoin. C'est ce même Pierre Dagenais qui lui donnera sa première chance à la radio dans une pièce de Françoise Loranger.

Les plus beaux rôles féminins

La comédienne rejoindra ensuite la troupe des Compagnons de Saint-Laurent du Père Legault qui, en dépit d'un répertoire un peu « catho », lui permettait d'approfondir les rôles. Entretemps, et pour une seule fois dans sa vie, elle fera du neuf à cinq comme vendeuse au grand magasin à rayons Dupuis Frères. Elle profitait de sa pause du dîner pour aller enregistrer des émissions à la radio. Ses retards répétés les après-midis auront raison de la patience de son patron qui la somme alors de faire son choix de carrière. Et quelle carrière ! Durant plus de soixante ans, elle aura cumulé les plus beaux rôles qui puissent être offerts à une comédienne ! Tour à tour elle sera Célimène, Elvire, Dona Honoria, Tomette, Marguerite, etc.

Si elle a brillamment joué les classiques de la langue française, elle se verra endosser de beaux rôles dans des pièces écrites par Yves Thériault, Marcel Dubé, Michel Tremblay et Normand Chaurette. Elle estimait par contre que la communauté culturelle du Québec avait trop tendance à se replier sur elle-même. C'est pourquoi, à l'aube de sa carrière, elle se mettra à l'étude de l'anglais. D'abord trois ans de cours à Montréal même, puis un an de stage à New York. La facilité qui en résultera de pouvoir jouer dans la langue de Shakespeare lui offrira des opportunités tant au Canada anglais qu'aux États-Unis. La pétillante comédienne avouait volontiers avoir été gâtée dans ce métier si difficile pour d'autres. Non seulement n'a-t-elle jamais manqué de travail, mais fait encore plus rare, elle n'a jamais eu à solliciter de rôles.

Unie à Gratien Gélinas

Sur un plan personnel, Huguette Oligny divorcera pour épouser le père du théâtre québécois, Gratien Gélinas, qui était veuf. Les deux se connaissaient depuis leur jeunesse, mais avaient convolé chacun de leur côté avant de se retrouver pour de bon. Ils formeront à la ville, comme sur les planches, un des couples les plus unis du milieu artistique. En 1986, ils feront un tandem du tonnerre dans la pièce de Gélinas Narcisse Mondoux, qui sera jouée pas moins de 600 fois et jusqu'à Broadway. Une pièce dont l'argument n'est pas sans lien avec leur vie réelle. Dans les années quatre-vingt-dix, le caractère ombrageux de Gélinas pèse sur la relation avec sa conjointe qui décide de se séparer. « L'amour c'est tout. S'il n'y a pas d'amour dans votre vie personnelle, dans votre entourage, que vous n'aimez pas votre conjoint, c'est l'enfer », confiera-t-elle.

En 2001, Huguette Oligny, âgée de soixante-dix-sept ans, éblouira le public dans une pièce en solo La dame de cent ans de Françoise Loranger. L'histoire d'une centenaire qui raconte au public sa plus belle histoire d'amour, demeurée secrète pendant soixante-dix ans. À peu près à la même époque, elle en étonnera plus d'un lors de son passage à l'émission radiophonique Au cabaret des refrains, consacrée aux chansons de Juliette Gréco. Elle fera une interprétation mémorable de Déshabillez-moi.

Pour cette artiste d'exception qui aura brillé à la radio, au théâtre, à la télévision et au cinéma, il n'aura  jamais était question de retraite. « Les gens qui pensent à leur retraite, c'est parce qu'ils sont tannés de ce qu'ils font. » Elle laisse dans le deuil l'ensemble des artistes et son public admiratif.