L'acteur est un «athlète affectif», selon Antonin Artaud. Sébastien Ricard ne s'est jamais senti aussi proche de cette définition de son métier que dans La nuit juste avant les forêts, percutante partition pour un seul personnage avec laquelle il renoue dès ce soir. Sa performance compacte d'environ 45 minutes avait fait grand bruit lors de la première série de représentations, à l'automne 2010.

«Ça rejoint mon bonheur de faire du théâtre, qui est un engagement physique, entier», dit le comédien au sujet de ce spectacle placé sous la direction éclairée de Brigitte Haentjens. Deux ans et demi après les premières représentations, Sébastien Ricard parle encore de ce défi comme d'une épreuve sportive, même s'il arrive mieux à canaliser son énergie. «Je suis moins scrap quand j'en sors», dit-il.

La nuit juste avant les forêts, de Bernard Marie Koltès, met en scène un homme seul qui, un soir où l'existence lui pèse plus que d'ordinaire, aborde un inconnu pour lui cracher sa vie au visage. Sa détresse est grande. Son désir d'exister enfin aux yeux des autres, d'être entendu surtout, étourdi autant qu'il prend aux tripes.

«La prise de parole de cet homme-là, je la trouve très importante. Oui, ça parle d'un sans domicile fixe, de la marginalité, mais ce qui m'a frappé dans ce texte, c'est que Koltès a réussi à y condenser des enjeux civilisationnels», expose l'acteur. Il pense aux conséquences du colonialisme français, bien entendu, mais aussi au sort de ceux qui doivent bouger sans cesse «parce que le travail est toujours ailleurs».

L'accent que prend Sébastien Ricard dans ce spectacle ne laisse aucun doute: on se trouve face à un homme venu du Maghreb. Ce face à face serait hautement symbolique en France. Ici, il jette un éclairage particulier sur le texte, selon l'acteur. «Le public québécois se sent peut-être plus proche de l'homme qui parle que du public qui devrait recevoir cette parole-là.»

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Dès ce soir aux Ateliers Jean-Brillant, 661, rue Rose-de-Lima.

Les rôles de Sébastien Ricard

> Dédé Fortin dans Dédé à travers les brumes

«Le destin d'André Fortin, c'est celui d'un poète, d'un type qui exprime l'âme d'un peuple et qui se suicide. Je n'ai pas accepté qu'on en fasse l'histoire d'un malade mental, et c'est pour ça que c'est un rôle important pour moi.»

> Batlam dans Loco Locass

«J'ai toujours été d'abord un Loco et d'abord un acteur. Pour moi, ce sont des vases communicants. Le théâtre et la musique, c'est deux mondes, mais ils s'interpénètrent et se nourrissent. «

> L'acteur de Brigitte Haentjens

«C'est une grande chance que de rencontrer une personne avec qui on a une complicité d'âme aussi forte, doublée d'une volonté d'aller vraiment loin dans les choses avec ce qu'on est, tout en se complétant bien.»