Le théâtre Denise-Pelletier frappe fort ces jours-ci avec son adaptation de Frankenstein. Le roman de science-fiction de Mary Shelley adapté récemment par Nick Dear a triomphé il y a deux ans au National Theatre de Londres. C'est cette adaptation, traduite par Maryse Warda et mise en scène par Jean Leclerc, que l'on peut voir.

La pièce s'ouvre sur la naissance de la Créature du Dr Victor Frankenstein, qui balbutie ses premiers mots et fait ses premiers pas dans une sorte de danse macabre. Magistrale interprétation d'Étienne Pilon, qui joue le rôle de la bête et du Dr Frankenstein en alternance avec Christian Michaud. Du début à la fin, le comédien joue de finesse la transformation qui s'opère en lui au contact des humains.

Formidable métaphore de la création, où un scientifique orgueilleux se substitue littéralement à Dieu en créant un homme à son image. Dans le cas qui nous intéresse, c'est-à-dire capable de mentir, de haïr et de tuer! Abandonnée dès la naissance par son créateur, la Créature hideuse sera battue et chassée de sa ville avant de se réfugier dans une forêt lointaine.

C'est là qu'elle se liera avec un vieil homme aveugle (très bon Pierre Colin), qui l'initie à la parole, à la musique et à l'amitié. C'est à son contact qu'il évaluera la possibilité d'être bon et d'aimer. Mais après avoir été rejetée par la famille du vieil homme, la Créature se vengera et s'en ira retrouver son bon Dr Frankenstein avec les pires intentions. Et une requête: lui créer une femme.

«Je ne veux pas vivre seul, toute créature a son semblable» plaide-t-il. S'engage alors une lutte entre la Créature et son créateur, qui ne semble pas se soucier des conséquences de ses travaux en électrochimie... Impossible de ne pas aussi y voir une réflexion sur le bien et le mal, dominée par la vision du philosophe Jean-Jacques Rousseau, qui estimait qu'on naissait bon et que la société nous corrompait.

La pièce est longuette et le décor, parfois encombrant. Mais Jean Leclerc a réussi à créer de très beaux tableaux avec la complicité du scénographe Michel Gauthier pour narrer cette histoire de science-fiction qui soulève un tas de questions fascinantes. Sur notre désir d'éternité, entre autres, mais aussi sur l'acceptation de la différence. Du très bon théâtre défendu par un beau groupe d'acteurs qui a réussi à capter le public jusqu'à la fin, lorsque le créateur se trouve dominé par sa Créature.

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Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 12 avril.