Il a joué ou mis en scène toutes les pièces qu'il a écrites, dont ses plus récentes Sauce bruneSoupers et D pour Dieu? Mais pas celle-ci. Pour la première fois, Simon Boudreault assistera comme tout le monde à la première de sa pièce Hypno, créée par la petite compagnie Tsunami Théâtre.

Le hasard a fait que Simon Boudreault a écrit Hypno en même temps que Soupers, créée il y a deux ans au Théâtre d'Aujourd'hui. «Ce sont mes soeurs jumelles non-identiques» dit-il à la blague. Si la structure dramatique est semblable, avec ses courtes scènes et ses sauts dans le temps, les deux pièces abordent des sujets complètement différents. Là où Soupers explorait le thème de l'identité, Hypno s'interroge sur notre besoin inconscient d'être «pris en charge».

Pour l'anecdote, Simon Boudreault s'est intéressé à l'hypnose lors d'un voyage au Saguenay qu'il a fait avec son père en 2004. «Nous avons vus des spectacles dans le cadre d'un festival, raconte-t-il. Et là, nous sommes tombés sur un numéro avec un hypnotiseur. Il a fait croire à un spectateur que sa chaise, qui se trouvait sur scène, était en or et qu'il allait chercher à repartir avec... Comme de fait, pendant le reste du spectacle, l'homme essayait de mettre la main sur la chaise. C'était très drôle, se rappelle-t-il.

«Le spectacle s'est terminé, poursuit Simon Boudreault, et j'ai réalisé que l'homme n'avait pas été 'déshypnotisé'. On n'a pas assisté à sa déprogrammation. Je me suis demandé: est-ce que cette personne va penser toute sa vie que cette chaise était en or? Qu'est-ce qui reste de cette expérience? C'est comme ça que je me suis intéressé à l'hypnose, et que j'ai commencé à faire des recherches sur le sujet.»

Tout est donc parti de là. Des possibilités infinies de manipulation lorsqu'un hypnotiseur parvient à communiquer avec notre inconscient. «Au départ, pourquoi fait-on confiance à un hypnotiseur? demande Simon Boudreault. Pourquoi accepte-t-on de se faire manipuler? J'ai l'impression qu'on a toujours besoin de s'en remettre à quelqu'un. Comme on le ferait avec un médecin, par exemple. Les personnages d'Hypno aimeraient bien qu'il règle leurs problèmes.»

Au centre d'Hypno se trouve donc le personnage de Prince, le Messmer de la pièce, qui présente d'ailleurs un spectacle. Il y a aussi un couple formé de Rogère et Victor. On comprend assez rapidement que Rogère est moche. «J'avais envie que même son nom sonne laid, précise Simon Boudreault. Je ne savais même pas qu'on pouvait féminiser Roger!» Malgré sa laideur, son homme, Victor, est amoureux d'elle. Mais elle est complexée et le rejette. D'où l'intérêt de Victor pour l'hypnotiseur. Et s'il pouvait la programmer pour qu'elle se trouve belle? Pour qu'elle devienne une bête de sexe?

Dès lors, la machine s'emballe. Frustrée contre son Victor à la suite d'un «trip à trois» qui tourne mal, Rogère fait elle aussi appel à l'hypnotiseur pour se venger de lui. Je ne vous dirai pas ce qu'il fait, mais c'est chien. Au fil de l'intrigue, où se multiplient les allers-retours dans le temps, on apprendra que même la femme de Prince, Sandrine, a été hypnotisée par son mari à la suite d'un drame qu'a vécu le couple. Et puis, on découvre peu à peu les liens qui existent entre les deux couples.

De l'humour

Écrit avec beaucoup d'humour, Hypno demeure un drame que Simon Boudreault a construit comme un polar. On verra comment le metteur en scène Luc Bouffard explorera cette mécanique qui fonctionne parfaitement à la lecture de la pièce. Au fond, tous les personnages ont de bonnes raisons de faire appel à l'hypnotiseur. «Il n'y a personne de méchant, indique l'auteur. C'est ce que je trouve intéressant. Les plus grandes blessures sont faites avec les meilleures intentions du monde. C'est ce qui les rend encore plus plus blessantes.»

Hypno revient constamment sur ce besoin d'oubli des personnages. «Oui, je trouvais bien qu'ils soient dans une logique de fuite. Comme avec l'alcool, la drogue ou encore le travail. Ils n'acceptent pas de vivre leurs épreuves. Ils ne parviennent pas à vivre avec leurs erreurs.» Mais jusqu'où l'hypnotiseur peut aller pour permettre aux personnages de réécrire leur histoire? Peut-on vraiment enterrer les pans négatifs de nos vies? Voilà quelques des questions soulevées par Simon Boudreault.

Pour obtenir des réponses à ces questions, l'auteur nous suggère de prendre place au théâtre, de fixer la scène, et de lui faire confiance.

> Au Prospero du 19 mars au 6 avril.