Denis Lavalou fréquente depuis plus de deux ans l'oeuvre du libre-penseur Henry David Thoreau. Avec raison. Cent cinquante ans après la mort du philosophe de la tuberculose à 44 ans, on constate à quel point ses réflexions sur la société nord-américaine demeurent d'actualité.

Des idées avant-gardistes tant sur le plan écologique (amour de la nature, simplicité volontaire, développement durable) que politique (critique de la surconsommation, désobéissance civile, objecteur de conscience) ou spirituel (penser par soi-même, vivre le moment présent, respecter les différences).

Malheureusement, le spectacle que Lavalou a créé à partir des écrits de Thoreau ne passe pas la rampe. L'auteur et metteur en scène a choisi de montrer Thoreau vivant seul et retiré au fond de la nature (dans le New Hampshire) durant les deux dernières années de sa vie. Il propose trois variations de ce personnage historique (interprété par Lavalou, Marcel Pomerlo et Jean-François Blanchard) «pour incarner chacun un trait fort de sa personnalité». Or, il s'agit plutôt de trois clones habillés des mêmes habits, répétant les mêmes gestes et dialoguant avec eux-mêmes.

Le hic, c'est que Lavalou a oublié en chemin de construire des personnages dramatiques... Il n'y a aucun conflit ni aucune progression ou action. Seulement une longue méditation de Thoreau qui s'exprime à travers la bouche des acteurs ou en voix off. C'est froid, contemplatif et d'un ennui mortel.

On voit (les trois) Thoreau lire, écrire dans un calepin, s'habiller, se déshabiller, détacher un canot (pendant cinq minutes!), regarder la neige tomber et contempler la nature sous toutes ses coutures. Parfois, Thoreau lance une réplique pleine de suspense du genre: «Tiens, un peu d'eau s'écoule encore dans la gouttière du côté sud de la maison»... suivie d'un long silence.

Contempler le décor

Comme le texte est dépourvu de théâtralité et que les acteurs n'ont rien à jouer, le spectateur a tout le loisir d'observer le décor. La scénographie de Cédric Lord est magnifique (elle rappelle les images végétales du photographe Roberto Pellegrinuzzi). Les projections réalisées par Frédéric Saint-Hilaire, représentant la nature changeante au fil des saisons, sont aussi très belles.

Or, contempler un décor pendant 90 minutes, c'est davantage un exercice de méditation transcendantale qu'une bonne soirée de théâtre.

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Jusqu'au 16 mars, à l'Usine C (salle intime)