Ce drame familial imaginé par Michel Marc Bouchard dans les années 80 est certainement l'un de ses textes les plus brillamment construits. Il y a dans Les muses orphelines un souffle, une intensité, une profondeur et un dénouement extraordinaires. Pas étonnant que la pièce ait été traduite en 7 langues et produite 120 fois!

La lecture tout en subtilité de Martine Beaulne, combinée au jeu inspiré des comédiens, redonne aux Muses une nouvelle vie.

Nous sommes dans un petit village perdu du Lac-Saint-Jean, à Saint-Ludger, dans la maison des Tanguay. Une maison représentée sur scène par deux grands panneaux lambrissés et une table à dîner. En présence de ces quatre enfants abandonnés par leur mère 20 ans plus tôt. Quatre enfants devenus adultes, réunis dans la maison familiale durant le congé pascal.

Par une ruse qui tranche avec sa simplicité d'esprit, le personnage d'Isabelle provoque cette réunion avec sa soeur aînée Catherine (avec qui elle vit), son frère Luc et sa soeur Martine, une militaire lesbienne basée en Allemagne. Le motif de leurs retrouvailles finit par s'éclaircir: leur mère s'en vient les voir.

La mise en scène de Martine Beaulne est centrée sur ce jeu de l'attente de la mère. Comme Godot, dans la pièce de Beckett. Dans un espace presque vide. Comme ce vide laissé par le départ de la mère. Avec cette porte, au fond de la scène, que les personnages ne referment d'ailleurs jamais derrière eux. Une porte sur leur passé...

Maxime Denommée domine la distribution dans son rôle du fils rêveur, auteur du récit de sa vie, qui revêt les plus belles robes de sa mère, au grand dam de sa famille. Malgré une certaine nervosité perceptible le soir de première, Macha Limonchik et Nathalie Mallette réussissent elles aussi à rendre crédibles leurs personnages de Catherine et Martine.

La pièce s'intéresse à leur rage et à leur immobilité. À leur incapacité d'aimer. Au vide aussi qu'ils ont tous cherché à combler. Catherine en jouant un rôle de la mère, Martine en devenant militaire comme son père, Luc en rêvant à des échanges épistolaires avec sa mère, partie avec son amant en Espagne...

La surprise des Muses réside dans le personnage d'Isabelle, interprétée par Léane Labrèche-Dor. La jeune comédienne aurait facilement pu sombrer dans la caricature avec son personnage de «débile». Or, elle parvient à trouver le ton juste qui mène à son émancipation. Du très très bon théâtre.

Jusqu'au 30 mars chez Duceppe.