À priori, l'idée d'aller voir Orange mécanique - le spectacle d'après l'oeuvre culte d'Anthony Burgess sur la violence et la criminalité dans la jungle des villes modernes - un soir de Saint-Valentin n'a rien de très romantique... Or, misère, dès les premières minutes, on nous montre l'agression d'un couple et le viol d'une femme par trois voyous... en projetant en toile de fond une rose géante!

La scène est lourde, brutale et jouée à l'avant du plateau, tandis qu'un gros malaise traverse la salle. Car sur les planches, cette scène est encore plus insoutenable qu'au cinéma.

Nous sommes au théâtre, l'art par excellence de la convention, où tout peut être suggéré par la mise en scène. Pas ici, sous la direction molle de Véronique Marcotte et de Denis Bouchard. Tout est exposé graphiquement. Pourquoi?

Cette question nous reviendra souvent en tête durant la soirée.

Pourquoi produire cette oeuvre si on n'apporte pas de vision nouvelle et ne propose aucun angle éclairant pour nous faire oublier ce que le cinéaste Stanley Kubrick a déjà fait, avec génie, en... 1971?

Pourquoi ce narrateur (Roger La Rue) qui revient sans cesse alourdir l'action et nous expliquer ce qu'on sait déjà?

Pourquoi avoir mis de côté l'adaptation québécoise d'Alexandre Goyette (l'auteur de l'excellent King Dave est crédité pour le livret), au profit de ce texte français qui sonne terriblement faux à nos oreilles? Aucun bum ne parle comme ça au Québec. Pas même ceux d'Outremont!

On nous répondra que la langue de Burgess est inventée, qu'elle insère plusieurs néologismes à l'argot du East-End londonnien. Eh! oui. Mais encore faut-il que la langue des personnages soit crédible et comprise du public local. C'est la nature même du mot adaptation...



Et pourquoi ajouter un entracte à un spectacle de moins de 75 minutes qui manque déjà de rythme et de liant?

La distribution se tire assez bien d'affaires, surtout Danny Gilmore, Félix-Antoine Tremblay et Maxime Le Flaguais dans le rôle principal d'Alex, le leader des voyous. Celui qui sera emprisonné et que le Système va remettre dans le droit chemin, au moyen d'une médecine encore plus cruelle que celle des délinquants.

Pauvre Le Flaguais! Il joue sur la corde raide, avec tout son instinct, son charisme et son talent, sans autre direction que celle de sauter dans la vide de cette proposition casse-cou.

Ah oui! Il y a aussi un DJ sur scène (Danny Lutz) qui mixe du Brel et la Neuvième de Beethoven avec de la musique électro, un décor «high tech» et des éclairages soignés (de Nicolas Ricard), ainsi que de très beaux costumes signés Michel Robidas.

Un bel emballage moderne pour un spectacle démodé.

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Ce soir et demain. En supplémentaires les 8 et 9 mars à l'Olympia de Montréal. En tournée à Québec, Sherbrooke, Gatineau.