«L'héroïsme est peu de chose, le bonheur est plus difficile», a écrit Albert Camus dans Lettres à un ami allemand. C'est ce lucide constat que le public fera en voyant Warwick de Jean-Philippe Baril-Guérard, à la salle Fred-Barry.

Sa pièce raconte le traumatisme d'un soldat blessé en Afghanistan, Hubert Fontaine, qui revient paraplégique dans son village natal des Bois-Francs (l'action se situe à Warwick, en référence à la guerre, mais est universelle).

Hubert a été victime d'un accident dans lequel un autre soldat a perdu la vie. Dire que son retour au pays est difficile tient du pléonasme: son ex-blonde est devenue danseuse nue dans un bar; ses chums sont si «gelés» dans leurs émotions qu'ils sont incapables de compassion, voire de communication; et le personnel de soutien des Forces canadiennes est davantage préoccupé par l'image médiatique de l'armée que par la santé psychologique du soldat invalide.

Propagande

Baril-Guérard a décidé d'écrire sur ce thème, basé sur un fait réel, en réaction à la propagande et à la désinformation de l'armée.

Depuis le début du conflit en Afghanistan, on a l'impression que les autorités canadiennes déforment la réalité à propos des séquelles de la guerre sur leurs soldats. Warwick a donc le mérite d'aborder un sujet d'actualité... et de nous faire réfléchir.

Sa pièce expose aussi la récupération d'une jeunesse vulnérable par l'armée. Celle qui est peu aisée, peu scolarisée, souvent issue de régions où le chômage est la norme. Ces jeunes s'enrôlent et partent à la guerre pour fuir un quotidien difficile doublé d'un avenir sans horizons.

Les personnages d'Hubert et de ses proches sont d'ailleurs mieux écrits et plus crédibles que ceux des représentants des Forces, un peu trop unidimensionnels. On s'explique également mal pourquoi l'auteur nous dévoile d'entrée de jeu le drame qu'on cache au soldat, ce qui diminue l'impact de la scène où la vérité éclate...

Carte de visite

Cette pièce est produite par la cohorte 2012 des finissants en jeu du cégep de Saint-Hyacinthe (réunis sous le nom d'Escadron Création). Elle a été remaniée l'automne dernier dans une version de 65 minutes. On ne voit pas de traces de l'exercice scolaire dans ce spectacle professionnel et fort bien mené.

Le metteur en scène Michel-Maxime Legault a fait un excellent travail. Sa mise en scène est fébrile, imaginative et efficace. Le jeu des 11 comédiens est assez solide dans l'ensemble. Une mention spéciale à David Strasbourg, qui incarne avec sensibilité le soldat paraplégique, ainsi qu'à Olivier Courtois, dans le rôle du chum si maladroit qu'il en devient risible.

Voilà une belle carte de visite pour ces jeunes et talentueux interprètes!

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À la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, jusqu'au 16 février.