Il faut rendre à César ce qui appartient à César. Les auteurs irlandais et écossais sont les champions des drames familiaux...

Après Ce moment-là, de Deirdre Kinahan et Midsummer (une pièce et neuf chansons), de David Greig, c'est au tour de l'Irlandaise Stacey Gregg de nous secouer les puces avec sa pièce Pervers. Un texte un peu hirsute, qui aborde de front la question de la perversité, réelle ou perçue. Mais aussi, indirectement, celle de l'intimidation que subissent ou font subir les jeunes.

Gethin, un jeune diplômé en cinéma sans véritable emploi, rêve de réaliser LE film de sa vie. Il s'intéresse au sort d'un concierge d'école accusé, à tort ou à raison, de pédophilie. Et s'indigne du procès d'intention qu'on lui fait. Vidéaste compulsif, le jeune homme filme sans sourciller des enfants autour de lui dans le but d'en faire un documentaire.

Mais voilà, Gethin, très sûr de lui, pousse le bouchon en devenant le sujet de son propre projet. Il demande à sa soeur de répandre des rumeurs sur sa prétendue déviance sexuelle. Pour voir la réaction des gens... Mais son projet tourne au vinaigre. Et le jeune homme a tôt fait d'être interrogé par les autorités...

Plusieurs histoires parallèles contribuent à enrichir le récit tordu de Pervers, parfaitement traduit par Catherine Léger (sa première traduction!). La relation entre Gethin et son ami d'enfance Nick (Frédéric Lemay) révèle, entre autres, de belles surprises dramatiques, qu'exploite bien le metteur en scène Philippe Lambert (Midsummer, Les points tournants).

En fouillant dans le passé de Gethin, l'enquêtrice/psychologue incarnée par Marie-Hélène Thibault, trouve matière à semer le doute sur ses intentions. Ce qui, ironiquement, donne de l'eau au moulin à la thèse du profilage évoquée par Gethin.

Comme quoi on a tous un côté sombre. Qui, en effet, n'a jamais eu de pensées immorales, malsaines ou même obscènes? Tous pervers donc!

Poignant monologue

Dans le rôle principal, Mikhaïl Ahooja (Il Campiello, Cantate de guerre) interprète avec naturel le personnage insouciant et irresponsable de Gethin. Dans celui de la soeur de Gethin, Stéphanie Labbé (elle aussi découverte dans Il Campiello), nous déride avec sa dégaine d'adolescente révoltée, même si son jeu est par moment un peu trop caricatural.

Soulignons également la présence sur scène de la comédienne Micheline Bernard, remarquable dans le rôle de la mère célibataire, qui n'est, elle non plus, pas exempte de reproches... Il reste que la surprise de Pervers s'appelle Sarah Laurendeau. La jeune comédienne, diplômée du Conservatoire en 2011, livre un poignant monologue à propos d'un épisode concernant Nick et Gethin.

Malheureusement, la pièce se termine un peu en queue de poisson. Après une montée dramatique efficace qui culmine avec les interrogatoires de Gethin et les révélations de son ami Nick, l'auteure chasse tous ces sombres nuages le temps de quelques répliques. N'empêche, Pervers réussit à faire la preuve que chacun a le potentiel de déraper. Dans une forme théâtrale originale.

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Pervers, à La Licorne jusqu'au 23 février.