La majorité des jeunes spectateurs rassemblés au Monument-National pour la première de Geronimo Stilton, dans le Royaume de la Fantaisie, était conquise d'avance. Le fameux rongeur journaliste né de la plume de l'Italienne Elisabetta Dami est une vraie star de la littérature jeunesse. À preuve, «74 millions de livres ont été vendus en 36 langues dans 150 pays!», nous apprend le programme de soirée rédigé sous forme de publireportage. Devant un tel engouement, Serge Postigo a opté pour la démesure dans sa mise en scène des aventures de ce héros en complet cravate. Odorama, projections, chorégraphies, nombreux changements de décors et costumes, effets lumineux, dialogues bavards...

En ce lendemain de Noël, la scène du Monument-National rivalisait fièrement avec les Best Buy et autres emblèmes du Boxing Day en matière de surstimulation sensorielle.

Écrasé par tous ces éclats scéniques, était, hélas! , l'essentiel: les mots. Calibrage sonore difficile ou surenchère de verbe? Toujours est-il qu'il était fort ardu de capter tout ce qui se racontait dans cette abondante intrigue qui se déploie pendant près de deux heures. C'est du moins ce qu'a confirmé mon deuxième voisin, qui chronométrait scrupuleusement la seconde partie du spectacle. En plus de ce curieux choix linguistique, la souris journaliste et ses amis s'expriment dans une langue de film traduit ponctuée de nombreuses onomatopées. Cela donne une narration étrange et souvent inintelligible.

Postigo, visiblement emballé par cette première incursion dans le théâtre jeunesse, ne s'est privé de rien pour composer cette aventure en multiples tableaux, où son héros passe d'un royaume à l'autre et sympathise avec des sorcières, des sirènes, un dragon, des lutins, des gnomes, un géant et des fées.

Du slam au reggae, de la danse jazz et quelques emprunts à l'univers de Disney, le metteur en scène aligne les genres pour composer cette affaire baroque débordant de nobles intentions. Certains personnages, comme la sirène à l'accent québécois, tirent agréablement leur épingle du jeu. Mais le héros Geronimo, malgré tout le capital de sympathie que lui vouent ses fans, est handicapé par sa tête de rongeur qui rend impossible toute communication d'émotion.

L'effervescence créative prévaut dans le théâtre jeune public montréalais - suffit de quelques visites à la Maison Théâtre pour s'en convaincre - et Serge Postigo aurait certainement gagné à suivre les enseignements de sa collaboratrice artistique de longue date, Denise Filiatrault.

«Il ne faut pas demander à la tête d'en prendre plus que les fesses», célèbre citation de l'illustre Grand Jaune, semblaient penser de nombreux petits spectateurs plus mystifiés qu'envoûtés par ce carnaval de sons, lumières, chansons.

Restent les jolis costumes de sirène ou de fée, les cabotinages des gnomes et lutins et les quelques décrochages humoristiques pour capter quelques bribes de concentration des enfants gavés par cet équivalent théâtral d'une montagne de sucre raffiné.

Enfin, bon, puisque c'est le temps des Fêtes, l'excès est de mise. Mais à croire les jeunes experts de Geronimo, interrogés à la sortie du spectacle, les «vraies» enquêtes de la souris journaliste se trouvent dans les livres.

Geronimo Stilton dans le Royaume de la Fantaisie, jusqu'au 30 décembre au Monument-National.