Comme le veut la tradition depuis près de 20 ans, les Contes urbains reviennent en décembre nous raconter le versant sombre et trash du temps des Fêtes. Si auparavant la production affichait plusieurs auteurs, cette année, les textes sont signés par un seul homme: Yvan Bienvenue. L'un des créateurs de la formule, avec Stéphane Jacques.

Avec leur compagnie, le Théâtre Urbi et Orbi, ces deux hommes de théâtre ont décidé de «réinventer le conte en l'éloignant du folklore», afin d'aborder des réalités urbaines et contemporaines. D'ailleurs, le premier conte écrit par Bienvenue s'intitulait Les Foufs, ce bar du centre-ville à l'esprit punk et longtemps le temple de la jeunesse marginale.

Or, à en juger par la cuvée 2012, c'est la formule Contes urbains qui aurait besoin de se réinventer. Aucune poésie ni vision ne transpire des sept contes présentés à La Licorne par autant d'acteurs inégaux, dans un spectacle long (deux heures et demie) et sans magie.

Autant dans la forme que dans le fond, les contes de la soirée sont tournés vers le passé. Ils se déroulent tous la veille de Noël, mais à différentes époques, entre 1941 à 2011, et dans divers quartiers de Montréal. Chaque histoire met en scène une famille marquée par la religion, l'inceste, la pauvreté ou l'injustice. Souvent par les quatre.

Ces contes s'étirent et s'éparpillent. La prose de Bienvenue peine à se centrer sur le récit. L'auteur prend trop de détours et fait allusion, de manière obsessive, aux parties génitales des deux sexes. Dans Flavie Chose-Untel, défendu par Joël Marin, l'humour est carrément libidineux et scatologique. De plus, l'acteur joue comique et gros (dans le registre de Pauline Martin imitant Jean-Luc Mongrain). Un ton fort discutable pour raconter les prouesses sexuelles d'une «pute» d'HoMa avec un vieux client dans un parc bondé d'enfants... Bonjour, la dérision!

Drôle ou pathétique?

Un autre conte nous explique d'où vient le surnom de «Vilebre», ce paroissien bizarre qui s'amuse à faire des trous, avec un vilebrequin, dans les statues des saints de l'église... pour mieux les sodomiser! Certes, on peut faire rire (même jaune) avec la perversion sexuelle. Fabien Cloutier l'a d'ailleurs fait avec succès l'an dernier au même endroit. Bien sûr, la réalité urbaine n'est pas un jardin de roses et les Contes urbains sont là pour le montrer.

Mais encore faut-il élever le propos, structurer le récit, raffiner la forme. (Le merveilleux conteur Fred Pellerin est bien arrivé à rendre son village infiniment magique!) Sinon, ces histoires d'orphelins-toxicomanes-handicapés-victimes d'inceste deviennent pathétiques. Ou simplement déprimantes.

Les temps sont durs. Montréal est corrompu, abandonné et malade de sinistrose. Toutefois, peut-on trouver un autre angle que celui de la grisaille éternelle pour nous raconter Noël autrement?

Et nous réchauffer l'âme en nous rappelant la solidarité devant la misère humaine.

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Au Théâtre La Licorne, jusqu'au 22 décembre.