La beauté est difficile à définir. Pourtant, elle est pénétrante, perturbante... et omniprésente dans notre société. Avec L'obsession de la beauté, l'auteur et scénariste américain Neil LaBute démontre qu'à force de nous obséder et de nous faire perdre la tête, la beauté devient carrément infernale.

Sa pièce, créée à New York en 2008 sous le titre Reasons to be Pretty, est mise en scène par Frédéric Blanchette depuis mardi dernier à la Licorne. Il s'agit de la première production de la compagnie Lab87, dirigée par le comédien David Laurin, qui signe aussi l'excellente traduction. Et c'est très très bon!

L'histoire commence sur les chapeaux de roue lorsque Stéphanie (Anne-Élisabeth Bossé) pète les plombs à son chum Greg (Mathieu Quesnel). Ce dernier a fait un commentaire blessant à un ami à propos de sa blonde. Une banale remarque sur son apparence physique qui lui est venue aux oreilles. Ce point de départ de leur chicane se transformera en conflit idéologique et sentimental.

Aussi maladroit que de bonne foi, Greg tentera de réparer les pots cassés. Or, son ami à la source de la mauvaise «blague», le manipulateur, menteur et homophobe Fred, ne l'aide pas vraiment. Le genre de coq qui se vante de tromper sa blonde enceinte. Et Greg s'enfoncera dans ses propres contradictions... avant de voir la lumière.

La mise en scène de Frédéric Blanchette est efficace. Les spectateurs sont assis devant un immense miroir (déformant!), seul élément de décor, tandis que les comédiens évoluent dans un espace restreint, près du public. Or, malgré la proximité, les comédiens gardent souvent une distance entre eux. Dans les moments de confrontation, ils s'épient de loin et évitent tout contact physique. Les gestes posés (violents ou doux) apparaissent écrits sur un écran, comme des didascalies, pendant que l'action se fige.

Le quatuor de comédiens (Fred est joué par David Laurin et sa blonde par Maude Giguère) forme une distribution parfaite. Mais la palme revient au couple éclaté. Stéphanie est défendue avec brio par Anne-Élisabeth Bossé, cinglante et touchante à la fois; Mathieu Quesnel (le soldat d'Au champ de Mars) incarne Greg. Ce comédien plus vrai que nature, qui sera dans le prochain film de Denys Arcand, a le don d'éclairer l'âme d'un personnage, d'en explorer les nombreuses zones grises. Au point où, à la fin de la pièce, on a l'impression que Greg, c'est lui!

C'est la magie du théâtre de poser ce miroir, pas du tout déformant, de la vie. Et d'en faire un spectacle percutant qui nous fait réfléchir sur les limites de la beauté. Et la grandeur de l'amour.

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Jusqu'au 14 décembre, à la Petite Licorne.