Pour son retour à la mise en scène, Pierre Bernard ne s'est pas trompé en choisissant de créer cette comédie noire de l'Américain David Lindsay-Abaire (Rabbit Hole, Snow Angel).

Le texte traduit par Maryse Warda - dans un joual familier - soulève avec gravité et humour des questions vraiment intéressantes sur les choix qu'on a (ou pas) dans la vie. Sur la part de chance dans nos succès ou nos insuccès. Sur les préjugés tenaces qu'on entretient sur les gens, qu'ils soient pauvres ou riches, gais ou hétéros, blancs ou noirs, heureux ou malheureux, bons ou mauvais.

Nous sommes dans le quartier populaire de South Boston. Mais on pourrait être dans HoMa... Margaret, femme dans la cinquantaine qui s'occupe seule de sa fille handicapée, vient de perdre son emploi dans un magasin à un dollar. Toute l'histoire de ce Bon monde gravite autour d'elle. Et de sa quête d'un nouvel emploi dans un monde sans pitié, où chacun cherche son intérêt.

Josée Deschênes, toujours aussi magnétique, brille dans ce rôle. La comédienne donne beaucoup de relief et de caractère à cette femme à la fois franche et vulgaire, honnête et opportuniste, attachante et gênante, mais qui, somme toute, a le coeur à la bonne place. Elle parvient à trouver le juste équilibre entre le drame et la comédie. Même si on ressent un certain malaise à entendre le public s'esclaffer dans certaines scènes.

La comédienne est très bien entourée. D'abord par Chantal Baril et Andrée Lachapelle, hilarantes dans leurs rôles d'amie d'enfance et de propriétaire. Si vous n'avez jamais entendu Mme Lachapelle parler comme une charretière, c'est l'occasion! Simon Lacroix, qu'on a vu dans Poésie, sandwiches et autres soirs qui penchent, est également très juste dans son interprétation du jeune cadre chargé de virer Margaret.

Destins divergents

Autre belle suprise: le décor. Pierre Bernard s'est adjoint les services de la géniale Geneviève Lizotte pour concevoir les plateaux pivotants qui nous transportent d'une scène à l'autre, en prenant soin de bien circonscrire l'espace de jeu, un des défis permanents pour occuper l'immense scène de chez Duceppe. Chaque fois dans un décor très réaliste.

L'histoire de Margaret prend un peu de temps à se déployer - la première partie s'étire en longueurs et en bavardages sans qu'il s'y passe grand-chose -, mais, une fois la table mise, tout s'enchaîne avec des révélations et des rebondissements auxquels on ne s'attend pas. Il ne s'agit absolument pas d'un thriller, mais il y a un dénouement surprenant.

Les scènes les plus signifiantes sont celles qui réunissent Margaret et son ami d'enfance, Mike (défendu par Benoît Gouin), qu'elle revoit dans l'espoir qu'il lui trouve un emploi. Toute la matière dramatique de la pièce de Lindsay-Abaire se trouve dans les retrouvailles de ces ex-amoureux issus du même quartier à HLM. Elle est restée engluée dans sa vie de misère; lui est devenu médecin et vit avec femme (Amélie Chérubin-Soulières) et enfant dans un quartier chic.

Entre eux, que reste-t-il à part le mépris? Les rôles auraient-ils pu être inversés? Du bon monde, tous ces gens? L'auteur montre bien les travers de tous ses personnages. Personne n'est épargné. À la fin, on se retrouve comme dans la chanson de Leonard Cohen, «au milieu des déchets et des fleurs». Les deux pieds dans la vie, quoi.

___________________________________________________________________________

Du bon monde, jusqu'au 8 décembre chez Duceppe.