L'aveu a fait sursauter. En entrevue, le metteur en scène Gaétan Paré a dit plus d'une fois que son premier contact avec Hamlet est mort. Gravité zéro fut une rencontre avortée. Il ne s'est pas rendu au bout du texte d'Ewald Palmetshofer, jeune auteur autrichien né en 1978. Il lui a fallu un coup de pouce du traducteur français de la pièce pour trouver une «clé» qui lui permette d'en ouvrir le sens.

Après une telle mise en situation, vous avez déjà compris que cette production du Théâtre de la Pacotille n'a rien d'un amuse-gueule qui explose de limpides saveurs une fois mis en bouche. L'approche du metteur en scène est relativement simple, mais la quête de sens qu'il propose au spectateur n'en est pas moins déroutante.

Une dizaine de chaises blanches sont disposées par paires et quelques plantes trop vertes pour être vraies sont placées sur un plateau peint d'un noir laqué. Un non-lieu empreint d'un certain chic dans lequel on remarque aussi deux micros sur pied, confessionnal décloisonné où passeront tour à tour les six personnages - trois couples.

Tout a déjà eu lieu au moment où la pièce commence. Ce qui se passe sous nos yeux, c'est la répétition, ou la représentation, d'un seul et même jour marqué par deux événements: la mort d'un ami commun des deux jeunes couples et l'anniversaire de la vieille grand-mère de deux d'entre eux. Jour tragique, sinistre, aussi marqué par des coups de feu.

Non, ce n'est pas un thriller. Plutôt une peinture dévastatrice et sans pitié d'un monde où le ciel est vide - sans Dieu, donc - et décrit comme une machine à distribuer des numéros. Si tu en as un, tu comptes, sinon... Mani (Sébastien Dodge) et Dani (Ève Landry), qui sont frère et soeur, n'ont pas obtenu leur ticket (vers le bonheur? vers la réussite?), mais leurs amis Oli (Dany Boudreault) et Gaby (Sophie Cadieux), oui. L'envie est palpable derrière l'indifférence feinte.

On songe brièvement à Huis clos, de Sartre, devant cette tragicomédie ultra-noire. Ici, l'enfer ce n'est pas tant les autres que l'absence d'horizon dans un monde de morts-vivants outrageusement dominé par le discours économique (sardoniquement parodié, ici). La langue de Palmetshofer est toutefois bien plus torturée. Elliptique, souvent amputée des verbes d'action, elle est inerte et enragée, parfois empreinte d'un humour sombre qui n'a cependant pas beaucoup de portée dans la mise en scène de Gaétan Paré.

Sa direction d'acteur et ses interprètes (la distribution est complétée par Monique Spaziani et Normand Daoust) sont en revanche extrêmement convaincants. Faut-il voir dans ce Hamlet est mort autre chose que le portrait impitoyable d'un monde qui fonce droit dans le mur, où l'amour et la compassion sont morts eux aussi? Deux des six personnages semblent s'en sortent. Est-ce suffisant pour faire naître l'espoir? Questions sans réponses, à l'image de cette pièce difficile, menée avec courage et conviction, mais sans issue de secours.

Hamlet est mort. Gravité zéro, jusqu'au 3 novembre Aux Écuries.