Sur la page Facebook de L'assassinat du président, on affirme que c'est «la première pièce à semer la controverse depuis Le Tartuffe de Molière! On n'avait pas à remonter aussi loin dans le temps. En 1994, Michel Tremblay a écrit En circuit fermé, un pamphlet au vitriol contre le milieu de la télévision qui avait secoué bien des ego médiatiques. Ici, la controverse porte sur le titre d'origine (L'assassinat de Gilles Duceppe). Or, monsieur Duceppe n'est pas la seule personnalité publique égratignée dans cette brillante satire de la société québécoise et de ses moeurs politiques.

À l'instar d'En circuit fermé, ce n'est pas exactement une «pièce» que signent Olivier Morin et Guillaume Tremblay, plutôt un brûlot futuriste inspiré de l'actualité, qu'on présente encore trois soirs dans le cadre du Zoofest. Les deux auteurs sont sur scène avec leurs merveilleux complices (le concepteur sonore Navet Confit et les interprètes Mathieu Quesnel et Catherine LeGresley) pour défendre ce spectacle qui rappelle les radio-théâtres d'antan, avec textes en mains, microphones et bruitage en studio.

Bien sûr, il y est question de l'ex-chef du Bloc. Après son «assassinat» politique en 2011, Gilles Duceppe a pris sa retraite en Suisse. Nous sommes en 2022 et - malgré les référendums répétés - le Québec n'est toujours pas souverain. La province vit dans un statu quo nourri de peur, d'indécision et d'un appauvrissement culturel: plusieurs artistes se sont exilés; dans les théâtres, on produit uniquement des comédies musicales; et la chroniqueuse économique du Journal de Montréal, Natalie Elgraby-Lévy, est devenue ministre de la Culture!).

Écoutant son coeur et les leçons de son défunt père, Jean Duceppe, le leader politique va revenir au Québec pour mener le clan du Oui au référendum. Sur son chemin, il va croiser Pauline Marois et Stéphane Gendron, devenu premier ministre du Canada! Malgré les revers, il va gagner ses épaulettes et devenir président de la République du Québec. Mais des attentats à la souffleuse menacent la vie du nouveau président...

Bon, on vous laisse la surprise de voir ce que les auteurs font «affectueusement» dans leur fiction avec les Mario St-Amand, Serge Postigo, Roy Dupuis et le sort des Nordiques... Car il faut y aller. Ce théâtre d'anticipation représente une heure de bonheur sur Terre. Dans la lignée des Zapartistes, des Cyniques, ou des meilleurs Bye-Bye, les artisans de L'assassinat (qui ont précédemment réalisé Clotaire Rapaille, l'opéra rock) ont du cran, de l'humour, et une bonne dose d'irrévérence.

Ici, le visage de la satire prend un air engagé: leurs allégeances politiques et convictions souverainistes ne font aucun doute. Mais l'intention des auteurs est tout sauf partisane ou gratuite. Entre les lignes, on sent un véritable amour du Québec et une inquiétude face à son avenir.

Comme le veut l'origine latine de la satire, L'assassinat du président «fait rire pour corriger les moeurs». À voir le sourire béat accroché au visage des spectateurs à la sortie de la première, jeudi soir, ce genre de théâtre est, pour certains, aussi exaltant que le son des casseroles qui résonne à la brunante...

Le printemps québécois n'a pas dit son dernier mot.

L'assassinat du président au Théâtre La Chapelle,  du 22 au 24 juillet.