Le dramaturge Tracy Letts semble n'avoir d'yeux que pour ce qui ne tourne pas rond au sud de la frontière. Les punaises de lits ne sont qu'un détail dans Bug. Le vrai parasite, il est dans la tête des protagonistes. Qui plus est sous des formes diverses: solitude extrême, violence, alcool, drogue, psychose, peur, paranoïa même.

La vie que mène Agnès (Émilie Gauvin) est en effet aussi minable que la chambre de motel où elle se terre. Sa peur saute aux yeux dès le début de la pièce lorsqu'une simple sonnerie du téléphone la fait sursauter. Sa méfiance généralisée se cristallise lorsque son amie R.C. (Marika Lhoumeau) débarque avec un certain Peter (Marc-François Blondin).

Agnès se méfie. Elle n'accorde pas sa confiance facilement. Son ex, joué par Antoine Bertrand, lui a vraisemblablement montré à coup de claques sur la gueule combien l'amour pouvait faire mal. Il vient d'ailleurs d'être libéré de prison. C'est sans doute ce qui l'incite à accepter Peter chez elle: la peur d'être seule. Ce n'était pas l'idée du siècle.

Bug, c'est du théâtre de genre. Un thriller gore qui, par moments, prend des airs de comédie noire. La mécanique du texte est implacable. Or, la magie noire n'opère pas toujours. Denis Bernard, qui signe la mise en scène, parvient à donner une certaine vérité à ces êtres brisés. Antoine Bertrand est d'une crédibilité effrayante dans le rôle du faux gentil qu'on sent prêt à broyer quiconque lui barre le passage. Émilie Gauvin et Marc-François Blondin ont aussi leurs moments de vérité dans ce spectacle empreint d'une solitude désespérée où ils ne quittent presque jamais la scène.

En cherchant à demeurer proche des tripes des personnages, la mise en scène hésite entre plusieurs tonalités et ne donne pas toute la mesure du délire qui saisit les personnages, ni complètement de l'emprise totale de la drogue sur le tandem principal. Bug manque de lenteur, d'étrangeté (dans les éclairages et les ambiances sonores), et parfois des scènes de silence et d'immobilité, qui auraient peut-être contribué à mieux faire vivre le désarroi tendu et narcotique de ces deux êtres paumés et complètement déconnectés de la réalité.

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Jusqu'au 9 juin