Il y a des pièces de théâtre semblables à des oeuvres d'art, qui nous font sentir et ressentir les choses. Il ne faut pas chercher à tout comprendre ni à tout nommer. On regarde, on écoute et on s'abandonne. Sans trop intellectualiser. À la fin, on en retire bien ce qu'on a pu. Selon l'humeur du moment.

Playtime, qu'a conçu Céline Bonnier avec le collectif Momentum, fait clairement partie de cette catégorie de pièces. Ma critique s'arrêtera donc ici. Mais non, je plaisante.

Pour apprécier ce type de spectacle sensoriel, il faut toutefois combattre le besoin instinctif de saisir les intentions des interprètes. Pourquoi sautent-ils tous comme ça? Lui, pourquoi l'enroule-t-on sans cesse dans une pellicule plastique? Pourquoi ces projections sur les torses nus des comédiens? Pourquoi toutes ces chaussures à talons hauts attachées à un cordon? Avertissement: il se passe des choses étranges dans ce spectacle.

L'éros dans tous ses états

Le point de départ de Céline Bonnier était d'explorer «la pulsion de l'éros». Tels des électrons libres, les cinq interprètes - Paul-Patrick Charbonneau, Stéphane Crête, Gaétan Nadeau, Clara Furey et Nancy Tobin -, nous font ainsi voyager dans cette zone intime. La leur. En nous transmettant tantôt des signaux de détresse et de solitude, tantôt des fréquences basses de plaisir bestial.

Dans une scène chargée d'érotisme, Stéphane Crête et Clara Furey évoquent une relation sexuelle en manipulant des fruits avec leurs mains. Troublant. C'est un peu ça, Playtime. Des espèces de polaroïds de ces pulsions qui nous habitent avant, pendant et après les avoir vécues. Pulsions parfois désincarnées, qui dessinent les contours d'une critique de la modernité, de nos rapports impersonnels et éphémères.

Ce bouquet d'énergies sexuelles, portées par une musique parfois oppressante, contribue à créer des tableaux assez baroques, plus visuels qu'auditifs. Il y a en effet peu de mots dans Playtime, qui est notamment inspiré du film du même nom réalisé par Jacques Tati.

La mise en scène de Céline Bonnier, très circulaire, est amplifiée par la présence, au milieu de la scène, d'une espèce de tourniquet pour enfants par lequel passent les comédiens. Dans la dernière scène, Gaétan Nadeau y va d'une longue et absurde tentative d'explication. Hilarant.

Bref, si vous vous sentez perdus dans cette pièce labyrinthique qui explore les pulsions de ses protagonistes, vous n'êtes pas seul. À la fin, on se dit qu'on a vécu un moment étrange, à la fois beau et frustrant. À l'image de cet éros.

_________________________________________________________________________

Playtime, à Espace libre jusqu'au 19 mai.