L'acteur est à Montréal, sa partenaire de jeu à Genève. Une jeune troupe, à cheval entre ces deux villes, va les réunir dans la même aire de jeu... sans qu'ils aient à prendre l'avion. Un projet audacieux, mais totalement en phase avec les technologies et les questionnements de notre époque.

Dieu est un DJ est un objet théâtral inusité. Un flou enveloppe en effet cette partition pour un homme et une femme. On ne sait jamais exactement où se trouve ce couple qui communique volontiers par l'entremise d'une caméra. Font-ils partie d'une exposition d'art contemporain? D'une espèce de téléréalité? Sont-ils simplement absorbés par notre société de l'image au point d'avoir été avalés par elle?

En cherchant la façon la plus pertinente de monter ce texte de Falk Richter, Julien Brun et Vincent de Repentigny, deux diplômés du programme de production de l'École nationale de théâtre, ont eu une idée folle: monter la pièce dans deux villes, situées sur deux continents. Pascale Güdel, sur scène à Genève, et Étienne Blanchette, à Montréal, seront donc réunis en direct grâce à un procédé de téléprésence par l'internet.

«Dieu est un DJ n'a pas été écrit en pensant à la téléprésence, mais l'outil apparaît tout à fait adapté pour ce texte», affirme Vincent de Repentigny. L'idée de la présence se trouve en effet au coeur du texte de Falk Richter. «Ce texte pose de multiples questions sur la frontière entre le réel et la fiction, la présence et l'absence», précise Julien Brun. Ces préoccupations n'ont rien de théorique à l'heure de Skype, de Facebook et d'autres médias sociaux qui transforment notre rapport à l'autre. «On côtoie ces technologies tous les jours», fait valoir Vincent de Repentigny.

L'essor de la réalité virtuelle rapproche-t-il les gens où les enferme-t-il dans leur propre bulle? Insanë ne juge ni les personnages ni la technologie. Falk Richter non plus. «Il met en scène des gens qui font partie du système, qui ne se rebellent pas contre lui, et montre comment ils font pour rester humains», analyse Vincent de Repentigny.

Intellectuellement et artistiquement, le projet d'Insanë tient la route. Sa mise en oeuvre, elle, a constitué un défi. Surtout pour les interprètes. «La matière première de l'acteur, c'est la présence de l'autre, signale Vincent de Repentigny. Il a fallu du temps pour créer un contact entre les comédiens.» Les jeunes artistes ont en effet constaté au cours du processus que la présence, ce n'est pas que du son et de l'image. Pour remporter leur pari, le spectacle doit faire la preuve du contraire. Paradoxe fascinant.

Dieu est un DJ, les 11, 12, 18 et 19 mai, en simultanée au Théâtre de l'Usine de Genève et à la Société des arts technologiques de Montréal.