On aime le Théâtre du Sous-marin jaune pour son audace. Avouez qu'il faut avoir des coglioni grosses comme ça pour créer ces spectacles basés sur Les essais, de Montaigne, Le discours de la méthode, de Descartes, ou encore Candide, de Voltaire. De puiser dans ces textes essentiels pour en faire ressortir la substantifique moelle. Avec pour tout arsenal des masques et des marionnettes.

Cette fois encore, Antoine Laprise et ses acolytes, Jacques Laroche, Guy Daniel Tremblay et Suzanne Lemoine relèvent le défi, avec toujours autant de finesse et d'humour. En 90 minutes, ils nous racontent 200 ans d'histoire avec Kanata, récit centré sur les relations entre les Amérindiens et les premiers colons français. Avec un dispositif scénique astucieux formé de sept modules ambulants et des marionnettes, au centre desquelles se trouve bien sûr Loup bleu et un castor baptisé «Castor d'or».

Le récit de Jean-Frédéric Messier, inspiré du Pays renversé de l'historien Denys Delâge, commence par l'arrivée de Jacques Cartier en 1534. À Hochelaga. De sa rencontre avec le chef iroquois Donnacona et de ses fils, envoyés un temps en France. Du scorbut qui a décimé la population huronne, etc. L'histoire se poursuit à Stadaconé (Québec) avec le passage de Samuel de Champlain. Avant de se conclure par la Grande paix de Montréal, en 1701.

Le Sous-marin jaune fait la preuve de son immense talent dans la construction de ce récit historique, qui respecte sagement la chronologie des événements. Les marionnettes de Stéphanie Cloutier, magnifiques, sont manipulées par les quatre comédiens avec une réelle virtuosité. La recréation du rendez-vous de la Grande paix des nations autochtones, avec les canots qui créent un embouteillage monstre à Pointe-à-Callière est particulièrement réussie.

Est-ce que vous apprendrez quelque chose? Pas nécessairement. Les créateurs ont mis l'accent sur les liens qui unissaient les Français aux Amérindiens. Mais aussi sur la naissance de l'économie de marché avec l'arrivée des Blancs, qui multiplient le troc, changeant à jamais le mode de vie des Amérindiens. À la fin, et c'est peut-être le seul bémol, on pourrait reprocher à la troupe le côté un peu didactique, un peu «leçon d'histoire» de ce spectacle un brin linéaire, qu'on aurait souhaité plus éclaté.

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Au Théâtre la Chapelle jusqu'au 19 mai.