Depuis 25 ans, l'Albertain Ronnie Burkett pratique avec rigueur l'art de la marionnette pour adultes. Il crée de petits bijoux de spectacles qu'il présente au Canada et dans les festivals internationaux de théâtre. Certains se souviendront de ses passages à Montréal où il est venu présenter Tinka's New Dress, Happy et Billy Twinkle. Son dernier opus, créé en septembre 2011 au Citadel Theatre à Edmonton, s'intitule Penny Plain et est à l'affiche de la Cinquième Salle jusqu'à samedi.

Penny Plain commence alors qu'on entend des présentateurs de bulletins d'information annoncer des nouvelles carrément apocalyptiques à la radio. Le climat de la planète déraille, les virus et les épidémies se propagent, les banques n'ont plus d'argent et la nourriture se fait rare. Pas de doute, la fin du monde approche et Penny Plain, vieille dame seule et aveugle, refuse de sortir de son modeste logis, respectant le couvre-feu décrété par les autorités.

Or, elle va perdre son compagnon de vie, son chien Geoffrey, qui parle et qui s'assoit dans son fauteuil préféré. Comme les jours de la planète sont comptés, Geoffrey veut sortir afin de voir ce qui reste de l'humanité avant la fin. La vieille dame lui dira adieu, non sans déchirement, puis se mettra à la recherche d'un autre chien. Penny Plain passera quelques espèces canines «en entrevue», ce qui nous vaut des scènes complètement loufoques.

C'est là que l'art du marionnettiste prend son envol: Burkett va manipuler sous nous yeux une trentaine de marionnettes, la plupart en bois et à fils, qui forment toutes des personnages originaux, colorés et très humains. Il y a aussi une vieille voisine grincheuse et sa fille qui s'en occupe; une orpheline avec des troubles de personnalité; un couple décadent d'évangélistes américains; un commis de banque qui aime porter des robes, etc.

Par moments, en regardant ces marionnettes s'agiter dans leur castelet dominé par un vitrail de style art nouveau (splendide scénographie de l'auteur, magnifiquement éclairée par le concepteur Kevin Humphrey), on distingue des expressions, des émotions humaines sur leur visage ou dans leurs gestes! Il faut dire que ces marionnettes sont des oeuvres d'art, et leur fabrication démontre un grand souci du détail.

Nature humaine

Ronnie Burkett a écrit une fable douce amère sur la condition humaine. «Rien de ce qui est humain ne m'est étranger», a dit le philosophe Térence. Le créateur semble lui aussi un fin observateur de la nature humaine. Or, son constat est assez sombre. Ce n'est pas un hasard si le personnage qui voit le plus clair dans sa pièce est... aveugle. (Tous les autres semblent aveuglés par leur orgueil.) C'est une belle métaphore sur l'état du monde et un appel à se soucier de l'Autre.

Le spectacle est un peu long (1h45 sans entracte) et demande une bonne connaissance de la langue de Shakespeare, car le débit de Burkett est rapide et il y a beaucoup de dialogues.

Ceci dit, le spectacle vaut certainement le détour. Ronnie Burkett est un véritable virtuose de la marionnette et son théâtre est d'une grande humanité.

Penny Plain, créé et interprété par Ronnie Burkett, à la Cinquième Salle de la Place des Arts jusqu'au 21 avril.