Dans le programme du Théâtre La Chapelle, on annonce la nouvelle création de Transthéâtre, Leçon d'hygiène, bestialités et mets canadiens, avec une photo d'une enseigne kitsch d'une pizzeria. Cette image fait référence au titre et à l'un des personnages: un livreur de pizza qu'on sacrifie sur l'autel de l'Art.

Mais à notre avis, elle résume très bien ce spectacle qualifié par ses créateurs de «jouissif et hors-norme». Car la proposition de Michel Monty et ses trois collaborateurs ressemble à une pizza jumbo toute garnie alléchante a priori, mais indigeste au final.

En entrant dans la salle, le public est invité sur la scène, tandis que les comédiens sont assis dans les gradins, déjà dans leur personnage, nous observant. Chimène Rodrigue, un maître de cérémonie transgenre interprété par Monty - qui signe également la mise en scène - s'adresse alors aux spectateurs. Il leur explique le déroulement d'un curieux protocole dicté par Zoutan, artiste de renommée internationale qui a influencé les Pina Bausch, Jean Paul Riopelle, Keith Richards, pour ne nommer qu'eux, et qui prétend que pour sauver «l'humanité de sa perte imminente, il faut créer une révolution artistique». Puis, il nous demande de regagner nos sièges.

Et qui dit révolution, dit sacrifices humains. Chimène lance un appel pour trouver un premier volontaire: ce sera donc ce livreur de pizza d'origine russe (Igor Ovadis). Mais avant qu'il ne meure à petit feu au nom de la Révolution artistique, on verra défiler sur la scène des personnages incroyables: un poète fou et cruel, obsédé par Antonin Artaud, qui fait lire à des spectateurs des vers de son cru; un chorégraphe de l'avant-garde tout aussi exalté; sa complice, une artiste du burlesque sourde-muette; un peintre «virtuose et sauvage né dans une poubelle de São Paulo»...

Le rôle de l'artiste

Tout ça, bien sûr, est abordé de manière complètement ludique et chaotique. Sur le mode du délire, la troupe remet en question le rôle de l'artiste dans la société, notre rapport à l'art, etc. «On rit de nous aussi. On rit des artistes trop engagés, trop prétentieux», a dit en entrevue Michel Monty.

Et c'est là notre malaise et notre incompréhension ressentis durant la représentation... À l'heure où un gouvernement de droite coupe les vivres aux créateurs et à leurs compagnies; où une animatrice de télévision méprise en ondes une chorégraphe de renommée internationale (Margie Gillis); où des chroniqueurs populistes dénoncent ad nauseam la culture subventionnée... pourquoi donc reprendre ces clichés insignifiants sur les artistes? Sans autre éclairage que l'autodérision, l'exubérance et la volonté d'«abolir le quatrième mur»... Mais il n'était pas déjà tombé, ce mur?

Et ce n'est pas la petite morale sur l'innocence de l'enfance à la fin qui rend cette grosse pizza plus digeste.

Leçon d'hygiène, bestialités et mets canadiens. Idée originale de Michel Monty et Bruno Rouyère. Mise en scène et dramaturgie de Michel Monty. Au Théâtre La Chapelle, Jusqu'au 21 avril.