Le comédien français Jonathan Capdevielle est de retour à Montréal avec un spectacle solo multidisciplinaire, Adishatz/Adieu, spectacle autobiographique qui oscille entre le tour de chant et les numéros de cabaret. Fascinant et émouvant.

Un bel avant-midi de printemps parisien, à la terrasse d'un café Place de Châtelet, Jonathan Capdevielle, casquette vissée sur la tête et barbe de deux jours, se fond dans la foule. L'acteur de 35 ans, originaire du sud-ouest de la France, vit à Paris depuis quelques années. Or, la plupart du temps, il est sur la route dans des festivals d'avant-garde pour jouer ses étranges solos interdisciplinaires et intimes. On l'a d'ailleurs déjà vu à Montréal: en février 2010, Capdevielle a présenté le troublant Jerk au Théâtre La Chapelle.

L'interprète français est de retour dans la métropole avec un autre solo, Adishatz/Adieu, qu'il a lui-même conçu et mis en scène, pour trois représentations seulement dès mercredi à l'Usine C. «C'est ma pièce la plus personnelle, autobiographique, dit-il. J'y parle de mon adolescence dans ma ville natale (Tarbes dans les Pyrénées) de ma famille, de la mort prématurée de mère et ma soeur (toutes deux du cancer), de mon rapport avec mon père, et aussi de sexualité, de fantasmes...»

Bien sûr, l'interprète pluridisciplinaire ne raconte pas sa vie de façon linéaire ou convenue. Il interprète d'abord des chansons pops a capella dans un répertoire éclectique qui va de Madonna à Francis Cabrel (il peut aussi ajouter des airs de Purcell, car l'acteur est un contre-ténor). Ensuite, il se travestit et se déhanche sur un tube de Lady Gaga; il évoque ses soirées paillardes avec des joueurs de rugby et les brumes des fins de nuit dans des discothèques de province; pour finir avec des chansons traditionnelles de sa région natale!

Au départ, Adishatz/Adieu était un simple tour de chant, tout de même qualifié de «sublime et génial» par la revue branchée Les Inrockuptibles. Puis, le spectacle a évolué pour devenir «un roman familial trouble et éclaté». «Enfant, je faisais déjà du lipsych sur des tubes de Vanessa Paradis, Jean-Jacques Goldman et Annie Lennox, se souvient-il. Adolescent, quand j'ai découvert Madonna, je suis tout de suite devenu fan de la chanteuse. Pour un jeune adolescent homosexuel à Tarbes, petite ville de militaires, de cheminots et de rugbymen, Madonna a été un élément déclencheur pour assumer ma sexualité et mes fantasmes.»

Une rencontre déterminante

Après une formation d'acteur, Jonathan Capdevielle va quitter Tarbes au milieu des années 90 pour aller étudier l'art de la marionnette à Charleville. Là-bas, il fait la rencontre d'une étudiante qui aura une grande influence sur son parcours artistique: Gisèle Vienne. Il sera l'interprète fétiche de la metteure en scène dans une demi-douzaine de pièces, dont Jerk (création en 2008), un solo pour comédien, ventriloque et marionnettiste à gaine sur un texte de l'écrivain américain Dennis Cooper. Il y incarne David Brooks, un tortionnaire de garçons et complice d'un tueur en série emprisonné à perpétuité au Texas dans les années 70. Dans Jerk, son jeu précis, troublant et impressionnant reconstitue les crimes monstrueux de Brooks et ses complices. Il a été salué par la critique d'ici et d'ailleurs.

Artiste pluridisciplinaire, Capdevielle a exploré le chant, la danse, le théâtre... mais il demeure fasciné par la marionnette. «Avec la marionnette, un acteur peut créer tout seul une quantité de personnages en un tour de main. La marionnette a un pouvoir symbolique. C'est un objet mort, inanimé, qui prend vie soudainement et qui devient une prolongation de notre esprit, de notre imaginaire. C'est fascinant le potentiel de la marionnette sur une scène!»

Toutefois, cette dernière n'apparaît pas dans Adishatz/Adieu. Mais Capdevielle ne délaisse pas l'artifice pour autant. Le comédien se transforme en une blonde aguichante au milieu du spectacle. Assis devant un miroir, il se maquille cérémonieusement et enfile perruque et vêtements sexy pendant qu'on entend la voix de l'acteur reproduisant une conversation téléphonique entre son père et lui.

Beau moment évoquant l'incommunicabilité dans la famille, le clivage des générations et les non-dits avec nos proches. Cette pièce singulière devient alors un carnet intime et émouvant.

Adishatz/Adieu, conçu et interprété par Jonathan Capdevielle, du 11 avril au 13 avril à l'Usine C.