Une immense photographie du réalisateur américain domine la scène. Le regard de Stanley Kubrick est dur. Impossible de s'y soustraire. La photo en noir et blanc est superbement éclairée pour accentuer sa présence inquiétante dans la vie d'Alex Conway, antihéros de la pièce de David-Alexandre Després.

Inspirée de l'histoire d'Alan Conway, fan fini de Kubrick, célèbre pour s'être fait passer pour le réalisateur au début des années 90, La mort de Kubrick est une fiction qui nous immerge dans ces mêmes eaux troubles qu'aimait remuer le cinéaste. Avec plusieurs références au film ultraviolent Orange mécanique, incarné par le personnage d'Alex DeLarge.

La pièce commence de façon à peu près réaliste. Le jeune homme obsédé par l'oeuvre du cinéaste gagne un concours pour assister à la première mondiale du 13e film de Stanley Kubrick, Eyes Wide Shut. Ces premières scènes mettent la table pour le délire théâtral imaginé par l'auteur.

Aussitôt qu'Alex Conway apprend la mort de son idole (en 1999, juste avant la sortie d'Eyes Wide Shut), le personnage interprété par David-Alexandre Després bascule dans un monde fantasmagorique. Sommes-nous dans la tête d'un fan détraqué? Ou même dans celle de Kubrick? L'auteur explore comme lui le côté sombre qui sommeille en chacun de nous.

Dans ce cas-ci, Alex Conway sera confronté à son double féminin, interprété par Alexia Bürger; au fantôme de sa gardienne, morte dans des circonstances tragiques; et à sa farouche propriétaire, une transexuelle avec un penchant pour les petits garçons. Ce thème de la pédophilie est récurrent.

Un cauchemar qui s'emballe

David-Alexandre Després exprime parfaitement toute l'ambiguïté de son personnage, sexuellement refoulé, paranoïaque et mythomane. Capable de basculer à tout moment après la mort de son maître. Christine Beaulieu est également excellente dans ses deux rôles: celui de l'employée qui annonce à Alex qu'il a gagné le concours et celui du fantôme de la gardienne.

La comédienne Caroline Lavigne offre quant à elle une interprétation un peu caricaturale de la propriétaire transexuelle psychopathe. Ses hurlements, fort désagréables, n'ajoutent rien de menaçant à son personnage. Pour sa première mise en scène, Olivier Morin réussit à lier la sauce. Avec la scénographe Geneviève Lizotte, il a créé un véritable lieu de culte dans cet appartement envahi par les coquerelles...

Mais le cauchemar d'Alex Conway n'en finit plus de s'emballer. Son double féminin le nargue; le fantôme de sa gardienne se transforme en... Stanley Kubrick et invite Alex à jouer dans son film sur Napoléon. Bref, on ouvre trop de pistes sans aller au bout d'aucune d'entre elles. Dans les dernières scènes, tout le monde se met à hurler. Des cris qui nous sortent constamment de ce cauchemar plutôt que de nous y enfoncer.

Jusqu'au 31 mars au Théâtre La Chapelle.