Inconditionnel de l'oeuvre de Romain Gary, Pascal Contamine a ressuscité un projet d'adaptation du roman Gros-Câlin il y a trois ans en créant un spectacle solo centré sur le personnage de M. Cousin. Cette semaine, il s'installe à Fred-Barry pour une réadaptation de cette adaptation. Explications.

Pascal Contamine s'est intéressé à Gros-Câlin pour la première fois en 1991. C'était dans le cadre d'un atelier sur la création de monologues donné par Julie Vincent à l'École nationale de théâtre. Il avait alors construit un spectacle solo à partir d'extraits du roman.

Mais le texte d'Émile Ajar, publié en 1974, s'était insinué en lui. Il en fit une nouvelle version à sa sortie de l'École, en 1995, avant de finalement porter le texte à la scène en 2009, après un sinueux parcours. «En 2009, j'ai réalisé que j'avais l'âge du personnage principal (37 ans). J'ai eu envie de le retravailler.» Ce qui fut fait au Main Line. La présente série de représentations est un condensé de cette adaptation.

Gros-Câlin raconte l'histoire de Michel Cousin, statisticien marginal et solitaire malgré lui, qui vit avec un python (nommé Gros-Câlin) dans un minuscule appartement du centre-ville. Un homme classé dans la catégorie zinzin par ses collègues et la société en général, qui a un criant besoin d'amour. Besoin d'en donner autant que d'en recevoir.

«Je trouve que les romans de Romain Gary sont empreints d'un humanisme extraordinaire, commence par dire Pascal Contamine. Dans Gros-Câlin, il a poussé à l'extrême la métaphore du besoin d'amour du personnage en imaginant un python comme animal de compagnie. Un python capable de l'enlacer! On n'aurait pas pu trouver plus repoussant que cette bête capable de nous gober...»

Projection

Dans le roman d'Émile Ajar, écrit de façon non linéaire, on comprend que ce Michel Cousin est un bien drôle d'oiseau qui vit un peu dans son monde et qu'il est sans doute un peu schizophrène. Il fantasme entre autres sur une de ses collègues, Mlle Dreyfus. Même s'ils échangent à peine quelques mots, Cousin est convaincu qu'elle est totalement éprise de lui. Pareil pour son voisin M. Tsourès, avec lequel il vit une amitié à sens unique, qui n'existe que dans sa tête.

«Il est clairement malade, indique Pascal Contamine. Il s'agit de savoir de quelle maladie il souffre. En même temps, il est une part d'un peu nous tous. Romain Gary lui-même s'est projeté dans ce personnage. Gary avait un python, il aimait aller aux putes, comme Cousin. Les gens décideront s'il est malade ou non, je ne crois pas que ce soit nécessaire d'appuyer là-dessus.»

Pascal Contamine a cons-truit la pièce en imaginant que le personnage de Michel Cousin donne une conférence devant public sur «la vie des pythons dans les centres urbains» (le titre exact de son adaptation). Durant cette conférence, il y aura des projections de dessins, qui serviront à représenter les différents lieux du roman (l'ascenseur, qui fait référence à son lieu de travail; «les bonnes putes», où il comble son besoin d'affection; son appartement, etc.).

«La conférence commence le plus sérieusement du monde, mais je voulais qu'il y ait un contraste entre ce monde du bureau, où il jongle avec des chiffres, et ce monde enfantin dans lequel il vit. D'où les dessins naïfs projetés de façon progressive sur le mur (des dessins de Frédéric St-Hilaire), qui nous font réaliser qu'en fin de compte, Cousin veut nous parler de lui.»

L'auteur, comédien et metteur en scène a créé un environnement froid pour camper son personnage. Une sorte de terrarium, puisque le python et lui ne font qu'un, selon Pascal Contamine. «Le personnage de Cousin évoque souvent le besoin de chair vivante de son python, une autre façon de dire qu'il a besoin d'avoir des contacts avec les autres. On peut même se demander si le python existe véritablement. Personnellement, j'ai un doute.»

À la salle Fred-Barry

du Théâtre Denise-Pelletier

du 21 mars au 7 avril.