On ne sait pas trop ce qu'il a fait, pourquoi il est détenu, où il se trouve; on ne connaît même pas son nom. Mais ce n'est pas très important. Tout ce qu'on sait de lui, c'est qu'il est un dissident. Un éveilleur de consciences indigné et en colère. Qui a sans doute commis une faute, mais qui mène néanmoins un combat contre «le système». Un combat qu'il juge digne.

À l'image de tous les projets artistiques de Philippe Ducros, ce texte est un cri du coeur contre l'indifférence. Une invitation à la mobilisation contre les injustices de ce bas monde. Moins poignante que sa pièce L'affiche - qui s'intéressait au processus de martyrisation dans les territoires occupés par Israël -, Dissidents touche tout de même des cordes sensibles dans son questionnement sur le progrès. À petite et à grande échelle.

Mais contrairement à L'affiche ou même à son exposition La porte du non-retour, parcours photographique qui relate ses voyages au Congo et au Togo, Dissidents s'éparpille. On évoque les conflits en Afrique, le génocide mené par les Khmers rouges au Cambodge, les entreprises pollueuses, les conditions de détention dans des pays arabes, etc. Ce sont bien sûr des exemples nourrissant la réflexion de Ducros, qui consiste à dénoncer le silence des pays riches et l'individualisme de leurs sujets. Pas un sujet facile.

Cela dit, la pièce est portée à bout de bras par Patrice Dubois (le dissident), qui en signe aussi la mise en scène, et par le comédien Sébastien Dodge, magistral dans le rôle du tortionnaire exposant ses techniques d'interrogation et ses réflexions sur les pulsions animales de l'homme. Les deux comédiens tirent le meilleur de ce pamphlet politique touffu mais percutant.

Les deux autres comédiennes (Éveline Gélinas et Marilyn Castonguay), qui ont des rôles plus secondaires, jouent sans fausses notes.

La mise en scène minimaliste est aussi très habile dans l'évocation des lieux comme des intentions des personnages. L'absence de décor (jusqu'au dernier tiers de la pièce) laisse toute la place aux mots de Ducros, qui font leur chemin.

L'auteur évoque notamment les théories du consentement, où l'on (les gouvernants, la société) endort les consciences par le divertissement et la consommation. «Si on prenait conscience de ce qui se passe autour de nous, nos vies deviendraient intolérables...», dit à ce sujet le dissident.

Que faire après avoir reçu cette tirade? Marcher avec Dominic Champagne contre le gaz de schiste? Appuyer les manifestations étudiantes contre la hausse des droits de scolarité? Faire de l'humanitaire dans un camp de réfugiés soudanais? Peu importe le geste, petit ou grand, Philippe Ducros se fait l'apôtre de l'action politique et sociale. Et comme le théâtre engagé se fait rare, sa parole, même parfois excessive, est à la fois pertinente et nécessaire.

À Espace GO jusqu'au 31 mars.