Le parcours d'Anne-Marie Olivier a été marqué par des extrêmes. Elle s'est illustrée dans des fresques théâtrales telles Le sang des promesses (Mouawad) et Vie et mort du roi boiteux (Ronfard) et, en marge de ces grandes aventures, a développé des projets personnels moins ambitieux. Du moins en apparence...

Gros et détail, la première pièce de la comédienne et dramaturge Anne-Marie Olivier comptait 36 personnages, interprétés par une actrice (elle) et un musicien. La suivante, Le psychomaton, «seulement» 18, joués par 5 acteurs. Pour Annette, sa plus récente création, elle renoue avec la formule du «faux solo» puisqu'elle jouera plusieurs rôles, mais accompagnée par un musicien, Mathieu Girard (Les Batinses).

Anne-Marie Olivier dit aimer être «toute seule en gang». C'est-à-dire aller seule au front au terme d'un processus au cours duquel elle a été entourée. «Je me suis prise au jeu de parler aux gens directement. C'est épeurant, convient-elle, mais c'est grisant aussi. Je ne ferais pas juste ça, mais de temps en temps, je trouve que ça me fait avancer comme interprète.»

Sa pièce Annette dresse le portrait d'une femme qui se retrouve sur la table d'opération le jour du premier référendum sur la souveraineté du Québec, aux mains de deux chirurgiens qui - joli clin d'oeil - ne s'entendent pas sur les gestes à effectuer. Entre la vie et la mort, la mère de famille de Limoilou, passionnée de tricot et de hockey, reverra les joueurs clés de sa vie. On ne s'en sort pas: le hockey demeure un fort résonateur identitaire au Québec. La comédienne se produira d'ailleurs sur une véritable patinoire synthétique.

Comme la vie d'Annette, le projet d'indépendance du Québec est sur la glace. Anne-Marie Olivier ne s'en cache pas: si sa pièce parle de résilience et de deuil, elle découle aussi de la conviction que tout n'a pas été dit au sujet du Québec. Demander simplement aux gens où ils étaient le jour du référendum de 1980 suscite encore un malaise, a-t-elle constaté en réalisant des vox pop. «Pour ou contre le projet de pays, on s'en fout. Mais quel Québec voulez-vous? En ce moment, je trouve que ce sont les autres qui prennent des décisions à notre place et on ne réagit pas beaucoup.»

Anne-Marie Olivier désire rouvrir le dialogue. Son outil pour y parvenir est un théâtre direct, dur, mais teinté d'humour, pour lequel elle revendique l'étiquette «populaire». «C'est souvent associé à une absence de contenu, alors que c'est complètement faux, affirme-t-elle. J'essaie de faire un théâtre qui en donnera pour son intelligence, son coeur et son argent à quelqu'un qui en voit beaucoup et à celui qui vient pour la première fois. Je trouve ça noble de faire et normal de faire ça quand on est subventionné.»

Jusqu'au 3 mars à La Licorne.