S'inspirant du règne fastueux et guerrier de Louis XIV, Sébastien Dodge signe une satire férocement drôle de l'exercice d'un pouvoir tyrannique. Sa pièce, qui s'intitule prosaïquement La guerre, n'a rien de banal: au théâtre réaliste et esthétisant, elle oppose une manière épique, verveuse et outrancière. Qui fait mouche.

Sébastien Dodge s'appuie sur des faits historiques, mais sa pièce n'a rien d'une leçon d'histoire. La guerre du titre condense d'ailleurs toutes les grandes campagnes menées par le Roi-Soleil pour la domination de l'Europe. Ici, la monarchie française est d'abord un microcosme qui permet de montrer le copinage et les susceptibilités de l'élite qui, hier comme aujourd'hui, mène le jeu sans se soucier du peuple.

L'idée d'asseoir son pouvoir sur la terreur et la mort est d'ailleurs habilement rendue par le décor: une construction dorée placée devant une immense toile sombre et terreuse dans laquelle on distingue des restes humains. Une évocation de l'horreur qui contraste avec les costumes bigarrés et caricaturaux, ainsi qu'avec les interprétations grotesquement parodiques.

Sébatien Dodge possède une plume pleine de verve et capable d'une immense drôlerie lorsqu'il s'agit d'imiter le langage finaud et ampoulé de la cour. Il est aussi, pour notre plus grand plaisir, l'un de ces directeurs d'acteurs capables de justesse jusque dans ces hilarantes scènes de massacre, à la mitraillette ou à l'épée.

Sa distribution (Yannick Chapdelaine, Myriam Fournier, Mathieu Gosselin, Stéphane Jacques, Suzanne Lantagne, Jean-Sébastien Lavoie et Simon Rousseau) est d'une égale aisance et flamboyance dans cet univers délirant. La guerre, qui clôt une trilogie sur «les causes de l'injustice et des destinées brisées», se démarque toutefois davantage par sa virtuosité langagière et la vivacité de sa mise en scène que par sa réflexion de fond...

Le parallèle que le spectacle fait avec notre société n'en demeure pas moins valable. Louis XIV organisait des fêtes fastueuses dans le but, selon la pièce, de détourner l'attention de la noblesse et d'avoir les coudées franches. Sébastien Dodge suggère que, dans une démocratie, c'est l'attention du peuple qu'il faut détourner avec du pop-corn et de grands divertissements. Croyez-vous qu'il a tort?

La guerre, jusqu'au 3 mars à la salle Jean-Claude-Germain du Théâtre d'Aujourd'hui.