Le Théâtre de l'Opsis poursuit son cycle italien avec une pièce lumineuse du Napolitain Francesco Silvestri, qui fait le récit d'un amour fraternel, celui d'un homme un peu naïf au chevet de son jeune frère mourant.

La directrice artistique de l'Opsis, Luce Pelletier, a le don de mettre la main sur des textes dramatiques qui laissent passer la lumière; qui portent en eux, malgré tout, un petit filet d'espoir. C'était le cas de Bar, de Spiro Scimone, avec ces deux amis paumés qui s'enlisaient dans la vie. Ce l'est de nouveau avec l'histoire de ces deux frères confrontés à la mort.

«C'est un des trois ou quatre auteurs dont on parle beaucoup en Italie en ce moment, explique Luce Pelletier. Son écriture est originale, ludique, instinctive, il y a plusieurs niveaux de lecture dans ce texte. Ce qui est aussi intéressant, c'est que Silvestri a joué le rôle de son personnage pendant de nombreuses années. C'est un texte théâtral très bien construit.»

L'histoire de Frères (créée en 1996) tient en quelques mots. Gildo, qu'on pourrait dire simple d'esprit, visite son jeune frère cloué à son lit d'hôpital, condamné à une mort prématurée, conséquence d'une maladie jamais nommée. Tous les jours, le temps d'une messe, il se rend au chevet de son frère, s'occupe de lui, tout en lui racontant toutes sortes d'histoires abracadabrantes.

Luce Pelletier a tout de suite pensé à Émile Proulx-Cloutier pour jouer le rôle de Gildo. «Je ne cherchais pas un débile profond, je cherchais quelqu'un de lumineux, et Émile est comme ça. J'aime ça aussi que ce personnage simple d'esprit soit porté par un corps sain, grand. Moi, ça m'émeut. Plus que si c'était un petit malingre!» Le rôle du petit frère, qui exige une présence de tous les instants, sera défendu par Benoît Rioux, qui vient de sortir de l'École nationale de théâtre.

Ces visites à l'hôpital sont loin d'être tristounettes. Il y a quelque chose dans le personnage de Gildo qui fait penser à Roberto Benigni, dans La vie est belle, dans sa façon d'éclairer le quotidien de son frère, qui vit ses derniers jours. «Moi, je le perçois comme un enfant qui fait les choses à sa façon. Pas avec une habilité de clown, mais avec une urgence de raconter des histoires comme il les comprend», précise Émile Proulx-Cloutier, remarquable dans son dernier rôle au théâtre dans Une musique inquiétante.

Les références à l'église sont nombreuses, puisque la pièce dure le temps d'une messe, que Gildo récite dans sa tête durant sa visite chez son frère. «C'est sa montre intérieure, explique le comédien. Dire des mots de messe, c'est comme vérifier l'heure. Parce que c'est ce qu'il a dit à sa mère. Sauf qu'il trouve plus important d'être avec son frère qu'à l'église. Il passe toute la journée à préparer l'heure qu'il va passer avec son frère.»

Émile Proulx-Cloutier, qui consacre de plus en plus de temps à la musique (il a l'intention de faire une tournée avec son groupe et de sortir un album), avoue qu'après avoir lu la pièce de Silvestri, il a eu envie de vivre cette expérience de jeu. «C'est un personnage qui a facilement accès à l'amour. Mettre du soleil dans la chambre de son frère, c'est facile pour lui. Moi, ça me tentait de jouer ça tous les soirs.»

«C'est un show qui fait énormément de bien. On répète et on ne sent pas l'hiver, renchérit Luce Pelletier. C'est réconfortant, c'est touchant. Ce personnage de Gildo est tellement inventif dans sa relation avec son frère, tellement plein d'amour. Je pense que les gens vont se sentir bien en sortant de ce spectacle-là.»

Frères, au Théâtre Prospero, du 21 février au 10 mars.