Avec Invention du chauffage en Nouvelle-France, Alexis Martin et Daniel Brière amorcent un cycle qui racontera, de trois manières différentes, rien de moins que l'histoire du Canada français de 1608 à la crise du verglas. Une démesure typiquement NTE.

Précis d'histoire générale du théâtre en 114 minutes, Hitler, Vie et mort du roi boiteux, les projets et les personnages plus grands que nature n'ont jamais effrayé les artisans du NTE. «On a toujours été d'une ambition démesurée, convient Alexis Martin, un sourire en coin. Après tout, la trilogie de Robert Gravel s'intitule rien de moins que la Tragédie de l'homme

Son compère Daniel Brière et lui poursuivent cette tradition de démesure avec Invention du chauffage en Nouvelle-France, premier volet d'une trilogie - oui, messieurs dames - coiffée d'un titre particulièrement monumental: Histoire révélée du Canada français, 1608-1998.

Alexis Martin, qui signera les trois pièces que Daniel Brière sera chargé de mettre en scène, précise d'emblée que ce nouveau spectacle n'est pas un cours d'histoire à proprement parler. Il va bien sûr convier des figures historiques - les noms de Champlain et de Radisson ont été mentionnés -, mais surtout s'attacher, par une série de sketches, à évoquer le quotidien d'un peuple qui a dû apprendre à composer avec le froid.

Invention du chauffage en Nouvelle-France ne raconte pas non plus nos luttes contre l'hiver de manière chronologique. La pièce débute d'ailleurs au Carnaval de Québec à la fin du siècle dernier avant d'effectuer un bond vertigineux au temps des colonies. Ces récits sont encadrés par une légende amérindienne évoquant un pays, au nord de Tadoussac, où le froid est si grand que, sitôt prononcés, les mots gèlent et rejoignent le territoire mystérieux de Pipmuacan.

L'image constitue pour Alexis Martin une allégorie extraordinaire du Québec. De son identité «gelée». «Irrésolue», si vous préférez. «On ne s'en sort pas, s'interroger sur l'identité fait partie de la condition québécoise», juge le dramaturge, qui dit beaucoup s'amuser à observer les «valses» de la CAQ, du PQ et des libéraux autour de ce thème-là.

De glace et de feu

Ce qui lie Invention du chauffage en Nouvelle-France, c'est donc ce rapport au froid. Notre rapport à l'hiver (subi, domestiqué ou nié), bien sûr, mais aussi ses déclinaisons plus métaphoriques: les froids entre les gens, les tempêtes intérieures, etc. À ces thèmes frisquets s'opposeront l'idée du feu, de la chaleur et du «chauffage, pour dégeler quelque chose», selon les mots de Daniel Brière, qui dirigera huit acteurs, parmi lesquels Émilie Bibeau, Danielle Proulx et Benoît Drouin-Germain et l'auteur de la pièce.

Avec ses 65 costumes - Daniel Brière dit 60, Alexis Martin 70 -, son décor imposant (pour une production du NTE) et sa position de première partie d'une trilogie, Invention du chauffage en Nouvelle-France constitue une «grosse entreprise» pour la petite organisation qu'est le NTE.

«Il faut prévoir les trois spectacles dès le premier», observe Daniel Brière. Le dispositif scénique - qui comporte une cabane en plexiglas - a été pensé de manière à pouvoir servir aux deux volets suivants, Les chemins qui marchent (les rivières, qui permettent l'exploration du territoire) et Le pain et le vin (l'agriculture, la nourriture).

Alexis Martin trouve qu'il y a quelque chose de provocateur dans le fait d'aborder des thèmes si vastes avec un si petit budget. «On est un peu baveux, juge-t-il. Et c'est aussi une façon d'affirmer cette idée que le théâtre peut tout raconter.»

Invention du chauffage en Nouvelle-France, du 7 février au 8 mars à Espace libre.