Avec Musique pour Rainer Maria Rilke, l'auteur Sébastien Harrisson s'est inspiré de Lettres à un jeune poète pour témoigner du pouvoir infini des livres. Du moins, de ces oeuvres majeures, inoubliables, qui vous accompagnent et vous rassurent tout au cours de votre vie.

Comme l'auteur le dit avec justesse dans sa pièce. «Les livres sont de grands appels d'air [...] et il y a des mots beaux et lumineux comme des phares le long d'un fleuve.» Or parfois, comme écrivait Baudelaire de l'exercice de la poésie, on peut «trébucher sur les mots comme sur les pavés». Si la pièce de Harrisson semble plaire aux adolescents - le premier public visé par cette production du Théâtre Bluff, à l'affiche de la salle Denise-Pelletier -, sa proposition risque de laisser le lecteur adulte ou culturellement averti... sur sa faim. C'est hélas, ici, le cas du critique.

L'idée de faire se rencontrer l'univers littéraire de Rilke et celui contemporain et réaliste de Nathan, un ado révolté de 17 ans, fils unique élevé par une mère de famille monoparentale, est louable. Mais elle ne fonctionne pas. Est-ce la mise en scène statique et mécanique de Martin Faucher, les bons sentiments du texte, ou les personnages superflus (Éléonore, la stalker amoureuse de Nathan; Kappus, le correspondant de Rilke)? Ou un peu de tout cela qui fait que cet objet théâtral a de la difficulté à prendre forme sur scène?

Mélodrame littéraire

L'intérêt (la force) des Lettres à un jeune poète, c'est cette prose de Rilke qui semble s'adresser directement au lecteur. Or, dans Musique, on se demande qui parle à qui sur la scène? Tous les personnages semblent évoluer dans des silos perdus dans un grand décor ouvert. Le spleen de l'ado rebelle, les complaintes de la mère; les retrouvailles avec la maîtresse du père qui a abandonné son fils, on nage dans le mélodrame littéraire.

Heureusement que la proposition est succincte et accessible. Toutefois, la distribution est inégale. Macha Limonchik (brillante!) se transforme littéralement du rôle de la mère de Nathan à celui de l'éméchée blonde de son père qui semble sortie d'un roman de Réjean Ducharme. Elle est méconnaissable d'un rôle à l'autre! Le Nathan de Maxime Charbonneau est très juste et, comme il se doit, à fleur de peau. Sophie Desmarais s'en tire assez bien avec un personnage ingrat: Éléonore. Par contre, les personnages «fictifs» (Rainer Maria Rilke et Frank Kappus) sont interprétés maladroitement et pompeusement par Albert Millaire et Éric Paulhus.

Au final, cette pièce vaut le détour si vous y allez avec des adolescents, ou encore si vous voulez vous initier à l'oeuvre de Rilke. Sinon, vous serez déçu.

_____________________________________________

Au Théâtre Denise-Pelletier, jusqu'au 8 février.

Durée: 80 minutes, sans entracte.