Mensonges, tromperies, histoires d'adultère, pas étonnant que Le dindon de Georges Feydeau, une comédie écrite en 1896, ait passé l'épreuve du temps...

Étourdissant manège où s'accumulent les quiproquos, ce Dindon vous épuisera autant qu'il vous fera sourire. Oui, il y a des claquements de porte; et oui l'auteur nous décrit des scénarios hautement improbables. Mais Normand Chouinard, qui appuie sur le caractère très franchouillard des personnages, réussit à tirer le meilleur de cette caricature de l'homme des petits appétits. Sans réinventer la roue, il est vrai, mais sans faux pas non plus. 

Il faut dire que le metteur en scène a réuni plusieurs de nos meilleurs comiques, parmi lesquels Carl Béchard, Alain Zouvi, Linda Sorgini, Véronique LeFlaguais, Violette Chauveau et bien sûr Rémy Girard, son complice de longue date. Mais aussi des nouveaux venus comme Marie-Pier Labrecque, qui illumine la scène. C'est beaucoup grâce à eux que l'on passe à travers les trois heures qu'il faut pour nouer, puis dénouer cette histoire qui n'en finit plus.

Admettons que la mécanique comique du Dindon est extrêmement efficace. Chacune des tromperies est révélée au public au fur et à mesure, ce qui le rend vite complice de ces histoires abracadabrantes. Et puis l'échaffaudage de tous ces mensonges, qui s'empilent avant de s'effondrer, force l'admiration. Il reste que les trois tableaux s'étirent et s'étirent, au point où l'on espère la fin de ces aventures conjugales.

Chassés-croisés

Rappelons les grandes lignes. M. Pontagnac (Alain Zouvi), séducteur compulsif, suit une femme jusque chez elle pour lui faire la cour. Mais voilà, chez elle, c'est aussi chez l'un de ses amis, Crépin Vatelin (Rémy Girard), le mari de madame. Feignant d'être venu voir son ami par hasard, Pontagnac est finalement dénoncé par Mme Vatelin (Linda Sorgini). Les deux amis s'expliquent, Vatelin lui pardonne.

Mais Pontagnac continue de séduire Mme Vatelin. Tout comme Rédillon, un autre ami de Vatelin, interprété par Carl Béchard, qui nous offre plusieurs des meilleurs moments de ce Dindon. Les deux hommes mariés essuient le refus de Mme Vatelin, qui jure fidélité à son époux, tout en se gardant une porte ouverte si son mari la trompe. L'occasion lui en sera d'ailleurs donnée lorsqu'une Anglaise, avec qui Vatelin a déjà fricoté, fait son apparition. Puis, tout part en vrille...

Finalement, chacune des confidences faites par l'un ou l'autre des personnages se retourne contre lui. Même si on considère Pontagnac comme le véritable «dindon de la farce», chacun des personnages, à un moment ou un autre, se trouve à être le dindon... Comme dans la vraie vie... «Ah, les conséquences d'une faute...», résumera bien le personnage de Vatelin en soupirant.

En entrevue, Normand Chouinard a évoqué les aventures de Dominique Strauss-Kahn (DSK) pour illustrer par l'absurde tout ce que risque quelqu'un de haut placé dans la société pour assouvir ses pulsions sexuelles. On n'a aucune difficulté à faire le parallèle. Toutes ces manigances conjugales n'ont pas pris une seule ride et continuent de nourrir notre quotidien. Autant en rire.

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Jusqu'au 11 février au TNM.