Qui a dit que les théâtres boudaient les comédies? En tout cas, cette semaine, des deux côtés de la ville, on en présente au moins deux sans le moindre complexe: Le dindon, de Feydeau (au TNM), et Le distrait, de Jean-François Regnard (au Théâtre Denise-Pelletier).

Le comédien et metteur en scène Frédéric Bélanger, on le sait, est friand de ces classiques du théâtre français. Depuis cinq ans, il en a créé plusieurs autres avec sa compagnie Advienne que pourra: Le dépit amoureux de Molière; D'Artagnan et les trois mousquetaires de Dumas; et plus récemment Les aventures de Lagardère de Paul Féval, qui a triomphé à Fred-Barry l'an dernier.

Cette fois, il a jeté son dévolu sur Jean-François Regnard qui, malgré son prénom contemporain, est un dramaturge français du XVIIe siècle. Auteur d'une douzaine de comédies et de farces, on le présente souvent comme «le meilleur poète comique français après Molière». Ici, il n'a pratiquement jamais été joué. C'est maintenant chose faite. Avec la touche de Bélanger.

Résumons: Léandre, jeune homme distrait (et étourdi et maladroit), est promis à Isabelle. Mais comme la vie est mal faite, Isabelle est plutôt amoureuse d'un jeune libertin assez frivole appelé Chevalier. Et Léandre d'une jeune femme, Clarice, accessoirement la soeur dudit Chevalier. Le quatuor devra trouver le moyen de convaincre la mère d'Isabelle (la méchante Mme Grognac) de revoir ses plans.

Des airs de comédie musicale

Créée l'été dernier dans la région de Lanaudière, cette comédie écrite en alexandrins en 1696, Frédéric Bélanger la revisite et l'adapte avec beaucoup d'humour et d'intelligence, y ajoutant plusieurs segments chantés qui lui donnent des airs de comédie musicale. La musique du texte, vif et plein d'esprit, est intacte. Et franchement, on rit un bon coup au cours de cette représentation d'une heure trente, qui passe à la vitesse de l'éclair.

Il reste que l'histoire de Regnard, sans véritable développement, tourne un peu en rond. Les nombreux quiproquos sont tellement irréalistes qu'on ne peut simplement pas croire aux malentendus qui en découlent. Un jeune public y trouverait bien plus son compte, mais en même temps, il ne pourrait apprécier toute l'éloquence et la subtilité de la langue.

L'idée de transposer l'action au début du XXe siècle, avec de timides références aux suffragettes et aux droits des femmes, n'apporte pas grand-chose à cette production légère, qui souffre par moments de son peu de profondeur. Heureusement, les comédiens parviennent dans l'ensemble à bien faire passer cette farce, qu'il ne faut pas prendre cette pièce pour autre chose que ce qu'elle est: un divertissement léger, bercé par une langue magnifiquement bien maîtrisée.

Les deux valets (celui de Léandre et celle d'Isabelle) volent littéralement la vedette aux personnages principaux: Benoît McGinnis et Milène Leclerc révèlent ici leur immense talent. Ils sont tout simplement craquants. Guillaume Baillargeon se démarque lui aussi dans le rôle de Chevalier, qu'il défend suavement. Le reste de la distribution est plus inégal. Mais n'enlève rien à la qualité de l'ensemble, qui font du Distrait une pièce finalement assez distrayante.

Jusqu'au 4 février à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier.