Mourir, c'est subir une abrupte coupure d'électricité au cerveau, croient certains. D'autres préfèrent une image plus poétique et, avouons-le, moins brutale, de l'âme qui se détache lentement du corps. La nouvelle création de Christian Lapointe prend appui sur une idée semblable et s'articule autour de pensées résiduelles qui se désagrègent à mesure qu'un cadavre se putréfie.

Six dépouilles sortent tour à tour du frigo de la morgue où elles sont rangées pour évoquer des bribes d'existence. La leur, sans doute. Ces monologues évoquent les choses de la vie - le couple, l'économie, etc. -, dans un mouvement hachuré, comme une pensée qui se désarticule. Sans chaleur, sans chercher à émouvoir ni à dessiner des destins individuels.

«Parler de soi, c'est tellement à la mode/les autres, c'est passé date», dit l'un des cadavres sur un ton ironique. Sepsis s'intéresse en effet bien plus à l'idée de collectivité, préoccupation mise en valeur par les deuxième et troisième parties de ce court triptyque, où les pensées fuyantes sont entremêlées les unes aux autres (une manière adroite de lier les destins de ces «morts parlants») puis, à la fin, portées par un choeur.

Dense, comme le sont toutes les propositions de Christian Lapointe, Sepsis est étonnante par son immédiateté. Son fil narratif écartelé entre le banal et le poétique, la présence absente des acteurs (parfois vus par le truchement d'un appareillage vidéographique) et la scénographie saisissante de Jean-Françcois Labbé, qui met le spectateur à distance tout en le plongeant dans l'espace scénique, contribuent à créer une expérience bien plus clinique que touchante, mais néanmoins mystérieusement prenante.

Des trois derniers spectacles de Christian Lapointe, Sepsis est le moins abscons. Ce fugitif face à face avec la mort porte. En particulier dans sa manière d'utiliser le langage scénique pour tisser des liens, même impressionnistes, entre des êtres égaux devant la mort et que le spectateur observe de haut, non pas comme un Dieu omniscient, mais comme un semblable.

Jusqu'à samedi à La Chapelle.