Il en faut beaucoup pour allumer l'imagination de Louis-Karl Tremblay. Beaucoup de comédiens, s'entend. Après avoir dirigé 21 interprètes dans Les Troyennes, le jeune metteur en scène en a rassemblé 15 pour monter l'Yvonne de Gombrowicz.

Les distributions imposantes font peur à bien des compagnies de théâtre. Travailler avec un grand nombre d'interprètes, c'est toutefois la raison d'être du Théâtre Point d'orgue. «C'est ce qu'on aime faire. On travaille la choralité», rappelle Louis-Karl Tremblay, l'un des cofondateurs de la compagnie.

Le jeune metteur en scène dit être tombé «par hasard» sur Yvonne, princesse de Bourgogne, la plus célèbre des pièces de Witold Gombrowicz. Il s'est vite senti interpellé par le regard que l'écrivain polonais posait sur l'humain et en particulier par sa réflexion sur l'identité.

Yvonne, perçue tour à tour comme un «boulevard philosophique» ou une «parodie shakespearienne», interroge les rapports entre identités personnelle et sociale. Gombrowicz s'y amuse à montrer comment l'arrivée d'une princesse apathique, laide et presque muette contamine peu à peu la cour de Bourgogne et finit par semer le chaos.

Louis-Karl Tremblay estime qu'en montrant comment la présence d'Yvonne annihile «tous les efforts que les autres font pour appartenir à la cour de Bourgogne», ce texte interroge les codes qui régissent la vie en société et qu'on adopte sans parfois s'en rendre compte.

«Quand une personne cesse d'obéir aux codes sociaux, elle nous incite à questionner un comportement qui nous semble acquis», analyse-t-il. Gombrowicz nous incite également à prendre conscience de la partie de notre identité qu'on a tendance à modeler pour correspondre à tel ou tel groupe.

«Sur Facebook, pour prendre un exemple banal, on se crée un profil, une facette, quelque chose qu'on veut montrer à tout le monde. Mais qu'est-ce qui reste de la vraie personne derrière tout ça?»

Louis-Karl Tremblay a rassemblé 15 interprètes pour Yvonne, princesse de Bourgogne dont Peter Batakliev et Markita Boies dans les rôles du roi et de la reine. Yvonne sera interprétée par Ariane Lacombe, aussi de Point d'orgue. Les deux autres membres de la compagnie, Stéphanie Cardi et Katherine Mossalim, sont également de la distribution de ce spectacle que le metteur en scène qualifie d'«anticonte» auquel il veut donner une couleur contemporaine.

Yvonne, du 29 novembre au 17 décembre au Théâtre Prospero.